Wim De Ceukelaire

Et si le Congo prenait son sort en main ?

Wim De Ceukelaire Directeur de Médecine pour le Tiers Monde

Les préparatifs en vue des élections en République Démocratique du Congo rappellent quelque peu les matches des Diables Rouges. Match après match, nous nous rapprochons de la Coupe du Monde en Russie, mais personne n’est content. En outre, chacun estime en savoir plus que Martinez, le coach national. Et si nous faisions tout simplement confiance aux joueurs et à leur entraîneur ?

Le 5 novembre dernier, la commission électorale du Congo a enfin annoncé un calendrier électoral. Le 23 décembre 2018, il y aura des élections simultanées pour la présidence, le parlement national et les parlements provinciaux. Les élections au Congo sont-elles enfin en vue ? Ou tout cela n’est-il que du pipeau ?

De nombreux observateurs, et donc bien sûr aussi ici en Belgique, sont sceptiques. C’est compréhensible, vu les précédents historiques. Le pays est dans un vide constitutionnel depuis la fin du mandat du président Kabila, fin 2016. Le climat politique est tendu et le pays fait face également à de gros problèmes socio-économiques.

Reynders, ministre des Affaires étrangères, a reçu la mission de mettre les choses au clair avec le Président Kabila lors de sa visite à Kinshasa. Plusieurs acteurs ne croient plus du tout qu’il y aura bel et bien un jour des élections. Notre ministre de la coopération au développement, Alexander De Croo, a récemment proposé que la communauté internationale prenne les choses en main et organise elle-même la transition.

A moitié vide ou à moitié plein ?

Rien de plus facile que de venir avec des prédictions fatalistes sur le Congo. Les déclarations alarmistes se succèdent d’ailleurs les unes après les autres. Et si en fait le verre n’était pas à moitié vide, mais, au contraire, à moitié plein ? Et si le Congo était vraiment en train de préparer ses élections ?

On dit que le Congo demande à la communauté internationale de débourser 1,3 milliard pour organiser les élections. Ce n’est pas correct. Ce montant de 1,3 milliard concerne le cycle entier des élections, depuis l’été 2016 et le début de la mise sur pied des listes électorales, jusqu’en 2020 avec l’élection des bourgmestres.

Jusqu’à présent, les autorités congolaises ont procédé elles-mêmes à l’identification des électeurs. Pour financer les élections de fin 2018, il faut encore rassembler 526 millions de dollars. Une grande partie de ce montant est prévu dans le budget annuel du pays. Si les amis internationaux du Congo font un geste, ce calendrier est tout à fait réalisable.

Des progrès dans la préparation des élections ont également été accomplis sur le plan logistique. La MONUSCO, la mission de l’ONU au Congo, a déjà confirmé son soutien. En outre, plus de 44 millions d’électeurs sont d’ores et déjà enregistrés. Cela représente près de 45% de plus que pour les élections présidentielles précédentes, en 2011. Dans un pays comme le Congo, c’est un véritable tour de force.

Humilité

Tout cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes. Le pays reste une poudrière où la moindre étincelle peut provoquer un désastre humanitaire. Nous avons pu le constater au cours des derniers mois au Kasaï, par exemple, où la violence a fait fuir plus de 1,4 million de personnes. D’après l’ONU, la situation reste précaire même si la moitié des déplacés ont pu rentrer chez eux.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la complexité de la tâche. Un montant d’un demi-milliard de dollars pour l’organisation des élections représente une partie gigantesque du budget national, qui se situe globalement à mi-chemin entre celui de l’université de Harvard (5 milliards) et d’une entreprise comme Netflix (6 milliards). Pour son département de la coopération au développement – pas vraiment un domaine prioritaire pour notre gouvernement – Alexandre De Croo dispose d’un cinquième de cette somme. N’oublions pas que le gouvernement congolais doit gérer un pays de 70 millions de personnes, 77 fois plus grand que la Belgique.

Il y a donc suffisamment de problèmes, mais il faut pouvoir aussi nuancer les choses. Et nos hommes politiques belges feraient bien de faire preuve d’un peu d’humilité. Les Congolais n’ont-ils pas assez de raisons de se montrer critiques envers notre pays ? Il semble bien que oui, car selon une étude récente, 80% des 110.000 Belges d’origine congolaise, rwandaise et burundaise se sentent discriminés. La Belgique ne semble pas encore avoir surmonté son histoire coloniale. Ne ferions-nous pas mieux de nous demander si le pillage colonial a vraiment laissé des possibilités réelles au Congo de se développer?

Depuis l’indépendance en 1960, il ne s’est pas passé un seul jour sans une intervention active des USA, de la France, du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l’Union européenne. Cet interventionnisme a pris toutes les formes possibles : depuis l’assassinat de Lumumba en 1960 jusqu’à l’imposition de « solutions politiques » lors des guerres des années 2000.

Il faudrait donc un peu plus d’humilité et de volonté de fournir au Congo un soutien un peu plus constructif. Cela demande de la patience, des efforts soutenus pour comprendre la complexité de la situation et un véritable engagement pour des contacts à tous les niveaux de la société congolaise : depuis les quartiers populaires jusqu’aux responsables qui ont des propositions et des projets concrets, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Car, qui sait, malgré les oiseaux de mauvais augure, notre équipe nationale pourrait gagner la Coupe du monde… et des élections pourraient bel et bien être organisées au Congo en 2018.

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