« Et New York découvrit la Tolérance zéro… »

Didier Reynders, ministre MR des Affaires étrangères et qui se verrait bien ministre-président de la Région bruxelloise, a, suite aux émeutes/explosions de joie (barrez la mention inutile) autour de la Bourse de Bruxelles, remis au goût du jour l’expression  » Tolérance zéro « .

Le concept est ancien. Selon Wikipedia, « ce sont les universitaires James Wilson et Georges Kelling dans la revue américaine The Atlantic Monthly en 1982 qui définirent les premiers cette théorie sous ce nom reprenant un terme utilisé en 1973 pour une loi au New Jersey ».

En 1992, le maire de New York, Rudolph Giuliani, va le mettre en pratique, suivi par d’autres villes américaines comme Baltimore.

La formule utilise la métaphore de la vitre cassée. Imaginez un bâtiment public, par exemple une école, dont la vitre est brisée. Par effet domino, une autre est brisée parce que les vandales se croient tout permis. Le sentiment d’insécurité croît en proportion des déprédations, comme c’est le cas avec les Tags par exemple.

La Tolérance zéro consiste à appliquer une peine rapide et radicale aux délinquants à la moindre infraction. Le délai entre la constatation du délit ou du crime et la peine est réduit au minimum et la prison ferme attend le délinquant. L’idée est qu’aucune infraction, si petite soit-elle, n’est tolérable.

Cette philosophie vise essentiellement la petite et moyenne délinquance, la plus visible et la plus dommageable à l’ordre public (les criminels en col blanc qui volent des milliards type Bernard Madoff ne menacent pas physiquement les passants).

Lorsqu’elle est mise en oeuvre à New York, la ville-monde ne ressemble évidemment pas à Bruxelles dans la mesure où il y règne une insécurité drastique qui fait de la Grosse Pomme un véritable coupe-gorge. Bruxelles, malgré des quartiers mal famés et qui font peur (on pense aux alentours de la Gare du Nord) n’a pas ce profil et fait office de capitale de cocagne.

Les résultats de la Tolérance zéro à New York sont néanmoins spectaculaires. Selon le New York Times, entre 1990 et 2009, le nombre de meurtres annuels y aurait baissé de 2.245 à 461. Cette année-là, certains jours, « personne n’est tué à New York », souligne le prestigieux quotidien. Et vous pouvez désormais laisser votre sac à main sur un banc public sans surveillance à Manhattan puisqu’entre 1992 et 1999 on constate une baisse de 62,5 % pour les vols à la tire et de 68 % pour les vols de voiture ainsi que 62 % pour les cambriolages et même 36 % pour les viols.

Certains auteurs libéraux estiment toutefois que la prospérité new-yorkaise revenue et la fin du trafic de cracks ont pu influencer ces améliorations au moins autant si pas plus que la Tolérance zéro. Certaines villes américaines connaissent d’ailleurs un déclin comparable sans ce type de politiques.

Maintenant que cette expression à fait florès (on en parle pour tout et n’importe quoi), le concept lui-même peut-il être appliqué à Bruxelles ?

Le concept de Tolérance zéro peut-il être appliqué à Bruxelles ?

Des transports de joie liés au football qui se transforment en violence inacceptable jusqu’à terroriser tout un quartier constituent-ils une délinquance « traditionnelle » susceptible de se voir appliquer l’un ou l’autre tribunal des flagrants délits et de la prison ferme immédiate ?

Ici même, Alain Destexhe propose, à juste titre, outre la fusion des zones de police, l’utilisation, comme dans les grandes villes nord-américaines, de statistiques en temps réel type COMPSTAT.

La première chose est, comme le souligne Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du Soir, dans son édito du 17 novembre de savoir exactement quel est le profil des émeutiers. « Qui a cassé et incendié samedi soir, pour quelle raison ? Qui a défié la police mercredi après-midi et dans quelle intention ? Personne ne peut, aujourd’hui, répondre à ces questions. »

La deuxième chose est de sortir du déni actuel qui consiste à accorder automatiquement le bénéfice du doute aux jeunes immigrés ou enfants d’immigrés sous prétexte qu’ils sont discriminés à la naissance.

Une fois le profil des émeutiers circonscrit, quelques mois à l’ombre pourraient les faire réfléchir. Mais il faudrait déjà faire baisser la surpopulation carcérale (c’est en train). L’application réelle des peines de faible intensité pourrait déjà être un début (les peines « légères » de quelques mois sont rarement appliquées, celles de moins de deux ans sont problématiques et il faut parfois deux à trois ans si pas plus pour être jugé). Renforcer la présence policière (il manque selon le bourgmestre de Bruxelles 400 agents dans la capitale, dont 200 dans la zone Bruxelles-Capitale-Ixelles) peut avoir un effet dissuasif et permet d’arrêter plus vite l’hémorragie. On a pu constater que la veille des militaires armés, dont le but, anti-terroriste, était tout autre, a fait baisser de 30% les taux de délinquance.

Encore faut-il faire le pari que délinquants et émeutiers sont liés. Conclusion : si tout est préférable à l’impunité actuelle, la Tolérance zéro prônée par le gouvernement ne sera pas si évidente à mettre en oeuvre dans le contexte. En termes d’efficacité, Bruxelles n’est, hélas, pas New York. Et ce que veulent les Bruxellois, c’est « plus jamais ça ».

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