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Espionnage de l’UE par les USA: les Européens exigent des explications

Le Vif

Les Européens ont exigé dimanche des explications sur le programme d’espionnage américain, qui aurait également visé les institutions de l’UE et des millions de citoyens européens, Bruxelles mettant même en garde contre de possibles conséquences de cette affaire sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique.

« Entre partenaires, on n’espionne pas! « , a lancé dimanche au Luxembourg la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding. « On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens », a-t-elle averti, en réclamant que les Etats-Unis « dissipent ces doutes très rapidement ». Mme Reding réagissait aux révélations de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui a assuré dimanche que Prism, le programme d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (NSA), avait visé les institutions de l’Union européenne.

Le Spiegel fonde ses accusations sur des documents confidentiels dont il a pu avoir connaissance grâce à l’ancien consultant américain de la NSA, Edward Snowden, au coeur d’un imbroglio mondial digne des meilleurs romans d’espionnage.

« Guerre froide »

La ministre allemande de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, a aussi exigé que Washington dise « immédiatement et en détail si ces informations de presse à propos d’écoutes clandestines totalement disproportionnées (…) sont exactes ou non ».

« Cela dépasse l’entendement que nos amis américains considèrent les Européens comme des ennemis. Si les informations des médias sont exacts, ce n’est pas sans rappeler des actions entre ennemis pendant la Guerre froide », a-t-elle ajouté, cinglante.

La Commission européenne avait indiqué plus tôt dans la journée avoir immédiatement « mis (les Américains) face aux informations de presse ». « Ils nous ont dit qu’ils vérifiaient l’exactitude des informations publiées hier et qu’ils reviendraient vers nous », a expliqué une porte-parole.

« Cibles à attaquer »

Selon le Spiegel, le programme était constitué non seulement de micros installés dans le bâtiment de l’UE à Washington, mais aussi d’une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes. La représentation de l’UE à l’ONU était surveillée de la même manière, toujours selon ces documents, dans lesquels les Européens sont explicitement désignés comme des « cibles à attaquer ».

Et les toutes dernières révélations du Spiegel, faites dimanche après-midi, risquent d’enflammer l’opinion allemande, très sensible sur les questions de protection de la vie privée. L’Allemagne est en effet « le pays européen le plus surveillé » par la NSA, avec 500 millions de connexions téléphoniques et Internet enregistrées mensuellement, assure le magazine, qui explique qu’une journée « normale » d’espionnage y tourne autour de 15 millions d’appels téléphoniques recensés en Allemagne, pour environ deux millions quotidiennement en France.

L’Allemagne, comme la France, sont considérées par la NSA comme moins fiables que le Canada, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, explique aussi Der Spiegel se fondant sur ces documents.

Les Européens sont pourtant « parmi les alliés les plus proches » des Etats-Unis, a assuré dimanche le conseiller adjoint à la Sécurité nationale, Ben Rhodes, dans l’unique réaction américaine à ce stade.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a quant à lui évoqué un possible « immense scandale », tandis que le député européen écologiste Daniel Conh-Bendit a appelé à une rupture immédiate des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, qui viennent d’être lancées, tant qu’un accord n’a pas été signé avec les États-Unis sur la protection des données personnelles. Des négociations en ce sens, lancées en 2011, n’ont toujours pas abouti.

Après les premières révélations sur Prism, la Commission européenne avait assuré que Washington avait accepté d’informer les Européens. Mais la promesse ne semble pas avoir été tenue, Bruxelles ayant à nouveau réclamé le 19 juin des réponses « aussi rapidement que possible ».

Toujours selon le Spiegel, la NSA avait même étendu ses opérations jusqu’à Bruxelles il y a « plus de cinq ans ». En 2003, l’UE avait effectivement confirmé la découverte d’un système d’écoutes téléphoniques des bureaux de plusieurs pays –dont la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Autriche et l’Italie– au siège du Conseil de l’Union européenne. Il est difficile de savoir s’il s’agit de la même affaire, l’enquête de la justice belge n’ayant débouché sur rien.

Auteur des révélations explosives, l’ancien collaborateur de la NSA Edward Snowden, qui a sollicité l’asile politique en Equateur, est bloqué depuis une semaine à l’aéroport de Moscou, son passeport ayant été annulé par les Etats-Unis, qui réclament son extradition pour espionnage.

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