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Espagne : le leader historique communiste Santiago Carrillo est décédé

Légende du communisme espagnol, Santiago Carrillo, mort ce mardi à l’âge de 97 ans, aura traversé l’histoire de son pays depuis la Guerre civile jusqu’à la transition démocratique de l’après-franquisme.

Le regard vif tamisé derrière d’épaisses lunettes, une éternelle cigarette aux lèvres, il aura mené un parcours intimement lié à l’histoire de l’Espagne depuis les années 30: jeune responsable républicain durant la Guerre civile de 1936-1939, exilé en France pendant 40 ans sous le franquisme, secrétaire général du Parti communiste espagnol de 1960 à 1982.

Auteur prolifique, chroniqueur incontournable de la vie politique espagnole, esprit indépendant qui très tôt défendra l’idée de « l’eurocommunisme », Santiago Carrillo se décrivait lui-même, dans une interview donnée en 2008, comme un « franc-tireur ». « Je me sens très bien dans le rôle du franc-tireur indépendant parce que j’ai une liberté de mouvement que je n’avais pas lorsque j’étais dirigeant d’un parti aussi discipliné que le Parti communiste », confiait-il alors.

Né le 18 mars 1915, fils d’un dirigeant du Parti socialiste espagnol, le PSOE, il s’est initié très jeune à la politique et au journalisme, travaillant à ses débuts pour « Le Socialiste », le journal du PSOE. Lorsqu’éclate la Guerre civile en 1936, il décide d’abandonner le Parti socialiste et rejoint le Parti communiste (PCE), dont il intègre rapidement les instances dirigeantes.

La défaite des forces républicaines face aux franquistes à la fin de la guerre marque le début d’un long exil de 38 ans. Santiago Carrillo voyagera aux Etats-Unis, en Union soviétique, en Argentine, au Mexique et en Algérie, avant de s’établir à Paris en 1944. Lors de son séjour à Buenos Aires, il commence à tisser des liens avec les communistes restés en Espagne, ce qui lui permettra de diriger le parti depuis la clandestinité.

Mais sa véritable ascension commence en 1946, lorsqu’il devient le protégé de la « Pasionaria » Dolores Ibarruri, autre figure du communisme espagnol. La consécration viendra en 1960, au VIè Congrès du Parti communiste, lorsque la « Pasionaria » est élue présidente de la formation. Santiago Carrillo en devient alors le secrétaire général, un poste qu’il occupera pendant 22 ans. Il affiche alors son indépendance totale vis-à-vis de l’URSS, condamnant fermement l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, avec le soutien de Dolores Ibarruri.

Très tôt, il défend l’idée de « l’eurocommunisme », plaidant pour que chaque pays trouve sa propre voie, et cherchant en Espagne un pacte avec toutes les forces anti-franquistes.

En 1976, après la mort de Francisco Franco (le 20 novembre 1975), mais alors que le PCE est toujours interdit, il défraie la chronique en rentrant en Espagne clandestinement, portant une perruque, avant de donner une conférence de presse qui lui vaudra d’être arrêté. Il rentrera finalement d’exil à la légalisation du PCE par le gouvernement de transition d’Adolfo Suarez, en 1977, date à laquelle il fait prendre à son parti le virage de l’ouverture et de « l’euro-communisme ».

Elu député aux législatives de juin 1977, avec Dolores Ibarruri, il participe activement au processus de transition et à la rédaction de la nouvelle Constitution. Mais rapidement son parti perd de son influence. Il est laminé aux élections de 1982 alors que le Parti socialiste accède au pouvoir avec Felipe Gonzalez. Carrillo quittera le PCE en 1984, à la suite d’un désaccord avec la nouvelle direction.

Il disparaîtra pratiquement de la scène politique à partir de 1991, pour se consacrer à l’écriture, multipliant les ouvrages sur la politique et l’histoire espagnole, et participant à des émissions de radio.

Dans son appartement de Madrid, situé près du parc du Retiro, il affirmait n’avoir pas le temps de s’ennuyer, mais reconnaissait que la politique restait son unique « véritable passion ».

Levif.be, avec Belga

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