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Espagne: la droite se déchire sur la remise en cause du droit à l’avortement

De plus en plus d’élus du Parti populaire critiquent la réforme de l’IVG annoncée par le gouvernement. Beaucoup plus radicale que ce qu’avait laissé entendre Mariano Rajoy au moment des élections, elle n’autorise les IVG qu’en cas de viol ou de grave danger pour la vie et la santé de la mère.

La droite espagnole pourrait payer cher son projet de loi sur l’avortement. Selon un sondage publié dimanche, 68% des électeurs du Parti populaire (et 86% de l’ensemble des sondés) se déclarent en faveur du libre choix des femmes à décider ou non de poursuivre une grossesse. Le projet qui prévoit de restreindre fortement les conditions de l’accès à l’IVG, ne satisfait que la frange la plus conservatrice de l’électorat du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy. Au sein de la formation, habituellement très disciplinée, ils sont de plus en plus nombreux à ruer dans les brancards. A gauche, la mobilisation des féministes va permettre d’animer un électorat plutôt apathique, en préparation de la campagne pour les élections européennes.

Une loi beaucoup plus dure qu’attendu

La dureté du projet de loi dévoilé peu avant Noël a surpris y compris au sein des rangs de la droite. La réforme, promesse électorale de Mariano Rajoy, était supposée revenir sur la loi installée en 2010 par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero qui dans un cadre à peu près comparable à la France, autorisait librement les IVG durant les 14 premières semaines de grossesse et jusqu’à 22 semaines en cas de malformation du foetus. Elle permettait notamment aux mineures de plus de 16 ans d’avorter sans autorisation parentale. C’est sur ce dernier point, très polémique, qu’on attendait que le gouvernement agisse.

Mais le projet de « loi de protection de la vie de l’être conçu et des droits de la femme enceinte » présenté par le ministre de la justice Alberto Ruiz Gallardon va beaucoup plus loin. Il n’autorise les IVG qu’en cas de viol ou de grave danger pour la vie et la santé physique ou psychique de la mère. La possibilité d’interrompre une grossesse en cas de malformation du foetus n’apparaît pas, au nom de la protection de l’être non-né, explique le ministre qui prétend « protéger les femmes et non pas les punir ».

Un texte visiblement rédigé sous la pression des autorités catholiques

Alors que les associations de planning familial alertent sur le risque de voir les femmes reprendre le chemin des cliniques de Londres ou de Perpignan, comme dans les années 1970, les voix dissidentes se font chaque jour plus nombreuses au sein du PP. « Je crois qu’une femme qui porte dans son ventre un foetus est la plus à même de protéger le non-né, bien mieux que l’Etat » a réagi immédiatement le secrétaire général des jeunes du PP sur Twitter. « Personne ne peut nier le droit d’une femme à être mère ni l’obliger à l’être », affirme le président, PP, de la région d’Estrémadure, José Antonio Monago. « Beaucoup de couples doivent affronter une situation douloureuse quand le médecin leur dit que le foetus a une malformation », ajoute le dirigeant du PP basque Borja Semper, qui demande à « rendre les choses moins difficiles ». Il est suivi par de plus en plus de maires et de représentants régionaux du PP, incommodés par un texte visiblement rédigé sous la pression des autorités catholiques qui avaient fait campagne pour la réforme.
Mariano Rajoy a beau demander que les débats au sein de son parti aient lieu derrière des portes closes, rien n’y fait, la fronde gronde.

Ce n’est un secret pour personne que la puissante Celia Villalobos, vice-présidente du parlement, est radicalement opposée à la réforme. Elle a déjà fait savoir qu’elle demanderait la liberté de vote au Parlement. Avec elle, pourraient aussi réagir certaines députées du parti qui pour l’instant ont opté pour une discrète réserve. Leurs consoeurs des rangs socialistes les appellent à faire front commun contre cette atteinte aux droits des femmes.

Il va être difficile pour le gouvernement d’ignorer la polémique. D’autant qu’il a été surpris par les échos qu’à eu l’annonce du projet à l’étranger, où il s’est fait éreinter y compris dans la presse conservatrice britannique.

De notre correspondante à Madrid, Cécile Thibaud

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