Gérald Papy

« Espagne-Catalogne, la déchirure »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En suspendant la déclaration d’indépendance tout en affirmant fermement que la Catalogne s’est donné le droit d’être un Etat indépendant sous la forme d’une république, Carles Puigdemont, le président de la Generalitat, au nom du gouvernement régional catalan, a laissé une porte ouverte au dialogue.

Une « main tendue » que ne saisira pas le gouvernement espagnol tant que la « menace d’indépendance » n’est pas retirée par les autorités catalanes, condition préalable fixée par le Premier ministre Mariano Rajoy. L’impasse demeure.

Cette crise entre Madrid et Barcelone a réveillé une déchirure entre deux loyautés. D’un côté, la loyauté à l’idéal démocratique. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe reconnu du droit international et inscrit dans la charte des Nations unies. Les Européens, même en désamour avec leurs gouvernants, restent attachés au modèle de la démocratie à l’occidentale. Que des Catalans, indépendantistes ou non, aient été empêchés de voter au référendum du 1er octobre par la réaction exclusivement répressive du gouvernement de Madrid, que, depuis des années, Mariano Rajoy n’ait répondu aux aspirations des catalanistes que par l’application obtuse de la loi ne peut que heurter les consciences.

De l’autre côté, c’est la loyauté à un idéal de solidarité qui est éprouvée. Difficile de ne pas voir dans les motivations de certains indépendantistes catalans ce que le philosophe suisse Mark Hunyadi qualifie de « chauvinisme du bien-être », ce repli sur soi qui, au travers de la quête de l’indépendance, exonère les nordistes espagnols, comme y aspirent ceux de Milan sous l’influence de la Ligue du Nord, du devoir d’entraide à l’égard de régions plus défavorisées. Sans doute, l’entité espagnole, en raison de ses nations différentes, de ses évolutions inégales et de ses particularismes historiques est-elle une mosaïque plus difficile à gérer que son unité catalane. Mais renoncer au défi de la cohabitation, par nature source d’enrichissement et de progrès, est forcément un aveu d’échec.

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A cette aune, il est proprement incompréhensible que le gouvernement de Mariano Rajoy ait campé sur une position intransigeante, même devant l’imminence de la rupture. Le constat trouble d’autant plus que c’est en étant à la tête d’une équipe minoritaire soutenue notamment par d’autres partis régionalistes que le Premier ministre de droite a opté pour une épreuve de force aux conséquences sans précédent pour l’avenir de l’Espagne et de l’Europe. La démarche des indépendantistes catalans souffre d’une fragilité originelle, si pas de la même gravité en tout cas du même acabit, puisqu’elle se fonde sur un référendum majoritairement ignoré, organisé par un gouvernement de coalition qui a obtenu aux dernières élections de 2015 une majorité en sièges mais pas en voix.

Voilà les sérieuses hypothèques qui planent sur les certitudes d’un camp comme de l’autre. Elles consacrent a contrario, dans ce qui fut une partie des Pays-Bas espagnols, les vertus du dialogue, de la recherche du compromis, des mécanismes institutionnels de concertation, y compris à travers la personne du roi, vertus qui manquent tant aujourd’hui à l’Espagne mais qui permettent à la Belgique d’être un pays certes d’une extrême complexité, mais toujours considéré comme un modèle de fédéralisme intelligent.

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