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Espagne – Catalogne : comment en est-on arrivé là ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Entre l’Espagne et la Catalogne, c’est la rupture. Depuis plusieurs mois, chacun campe sur ses positions, au détriment du dialogue. Comment en est-on arrivé là ?

Rien ne va plus entre l’Espagne et la Catalogne. Vendredi, le Parlement catalan a proclamé l’indépendance de la région… avant que le Sénat espagnol autorise le gouvernement à la mettre sous tutelle. Une situation floue pour une crise tout aussi confuse, où les deux parties font valoir leur logique et campent sur leurs positions. D’un côté, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la « souveraineté » du peuple catalan. De l’autre, le cadre constitutionnel et l’unité de l’Espagne. Une fracture qui n’est pas neuve, mais qui a trouvé un nouveau souffle avec l’organisation de ce référendum.

Début septembre, moment charnière

« Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une république ? » Tout part de cette question, que le gouvernement régional de Catalogne voulait soumettre à son peuple lors d’un référendum d’autodétermination. Début juin, la date du scrutin est fixée : il aura lieu le 1er octobre 2017. Mais début septembre, l’affrontement commence. Le 6 septembre, la loi sur le référendum est approuvée par le Parlement de Catalogne, qui en précise les modalités. Le lendemain, cette loi est annulée par le Tribunal constitutionnel et le scrutin est dès lors jugé illégal. Le début d’une logique d’affrontement entre les deux camps.

Dans les semaines qui suivent, tout sera fait pour éviter la tenue de ce référendum : intimidations des maires catalans qui comptent organiser le vote, saisie du matériel électoral et des bulletins de vote, arrestation de hauts responsables du mouvement indépendantiste… Mais rien n’y fera : le 21 septembre, le président catalan Carles Puigdemont publie la liste des bureaux de vote. Le 1er octobre, malgré son interdiction par la justice espagnole, le référendum a bien lieu. La journée est par ailleurs émaillée de violences policières. Selon les autorités catalanes, le « oui » à la sécession a remporté 90,18% des voix avec une participation, très faible, de 43%. Un vote qui ne sera pas reconnu par Madrid et boycotté par les partis anti-indépendantistes.

Divergences et confusion

Dans le sillage du scrutin, le dialogue de sourds continue. Alors que Carles Puigdemont menace de déclarer unilatéralement l’indépendance de la Catalogne, le gouvernement de Mariano Rajoy appelle les dirigeants catalans à dissoudre leur Parlement et à convoquer de nouvelles élections régionales anticipées.

Espagne - Catalogne : comment en est-on arrivé là ?
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Le 10 octobre, lors d’une séance confuse au Parlement de Catalogne, Carles Puigdemont estime que la Catalogne doit « devenir un Etat indépendant sous forme de République »… avant de « suspendre » la proclamation d’indépendance, appelant au dialogue avec Madrid. Une pseudo-ouverture qui ne trouvera pas écho puisque Mariano Rajoy fixe un ultimatum au leader indépendantiste, menaçant de prendre le contrôle de la Catalogne comme le lui permet l’article 155 de la Constitution. Dans les rangs indépendantistes, le ton se durcit, pressant Carles Puigdemont à acter le divorce le plus tôt possible.

Indépendance et mise sous tutelle

Mi-octobre, le président catalan renouvelle son appel au dialogue. Dans les jours qui suivent, Puigdemont écrit à Rajoy pour l’informer que le Parlement de Catalogne n’a pas voté pour déclarer l’indépendance, mais qu’il pourrait le faire si Madrid suspend l’autonomie. Une fois encore, on fait face à deux logiques et, surtout, à deux camps qui font valoir leurs arguments sans écouter ceux de l’autre.

Le 21 octobre, le chef du gouvernement demande l’activation par le Sénat de l’article 155 de la Constitution afin de destituer l’exécutif catalan et de convoquer des élections début 2018. Carles Puigdemont riposte en brandissant à nouveau une proclamation unilatérale d’indépendance, alors que plusieurs membres de son gouvernement semblent se prononcer en faveur d’élections régionales anticipées. Ce à quoi il renonce le 26 octobre. Le lendemain, quasi simultanément, le Parlement catalan proclame l’indépendance de la région, et le Sénat espagnol autorise le gouvernement à mettre sous tutelle la Catalogne. Mariano Rajoy annonce la destitution de Carles Puigdemont et la dissolution du parlement catalan… en attendant son renouvellement, lors d’un scrutin annoncé pour le 21 décembre prochain.

(avec AFP)

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