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En Sicile, une mafia « moins sanguinaire mais très efficace »

Le Vif

En Sicile, où se tiennent des élections régionales dimanche, la mafia est devenue « moins sanguinaire mais très efficace », en particulier dans les structures politiques, selon Ambrogio Cartosio, procureur ayant travaillé pendant plus de 20 ans au pôle antimafia. Interview.

Comment se porte Cosa Nostra ?

Cosa Nostra n’est pas la seule organisation mafieuse en Sicile. C’est la plus ancienne et celle qui a le plus de ramifications, mais il existe beaucoup de clans locaux qui essaient de la supplanter.

Puisqu’il est bon de voir le verre à moitié plein, il faut dire que grâce à une lutte acharnée menée par la magistrature, les forces de l’ordre mais aussi avec le soutien de larges pans de la population pendant des années, nous avons certainement affaibli l’appareil militaire de la mafia. C’en est fini des centaines de meurtres qui frappaient quasiment sans distinction mafieux et non-mafieux dans les années 1980 et 1990.

Il n’y a plus d’homicides, ou ils sont rares. Mais en revanche la mafia a subi une modification génétique (…). Il me semble qu’elle est bien plus présente qu’avant dans les structures politiques, elle a repris le contrôle du territoire. Elle agit d’une manière différente. Moins militaire, moins sanguinaire, mais très efficace.

Quels sont les principaux défis pour la Sicile ?

Le territoire sicilien a été dévasté pendant des décennies par les constructions abusives. Malheureusement, c’est un phénomène où les personnes qui ont enfreint la loi ont souvent été couvertes par l’appareil politique, qui a fermé les yeux selon moi par intérêt électoral. Ensuite, on s’arrange avec une loi ad hoc ou simplement grâce à l’inertie des administrations qui devraient démolir les constructions abusives et ne le font pas.

Il y a aussi le défi des déchets. Souvent dans les communes ayant institué le tri sélectif, seulement 5% des habitants jouent le jeu, tandis que 95% jettent les poubelles où bon leur semble. Et parfois on met le feu aux décharges. C’est un phénomène répandu dans tout le sud de l’Italie et derrière lequel il pourrait y avoir aussi de très forts intérêts mafieux. Cela représente un danger énorme pour la santé.

L’honnêteté des politiques s’est-elle améliorée ?

D’une manière générale, le niveau des représentants politique en Sicile d’un point de vue judiciaire n’a pas été exaltant ces dernières années, nombre d’entre eux ont été condamnés à des peines plutôt lourdes pour divers délits: corruption, concussion, fraudes et même association mafieuse, voire dans quelques cas aussi homicide.

Les données que nous avons semblent indiquer qu’il y a un nombre toujours plus grand de personnes dédiées à la politique qui sont dans le collimateur de la justice italienne.

Dans le cadre de la campagne électorale, magistrature et les forces de police sont engagées pour éviter qu’il y ait des menaces, des interventions mafieuses, des pressions sur le corps électoral.

Mais la mafia existe parce qu’il y a une culture mafieuse. Là où il y a un marais, il y aura des moustiques.

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