Le succès d'Emmanuel Macron doit aussi à la cohorte de jeunes militants qui ont participé aux opérations de tractage. © Robert Pratta/Reuters

En marche!, mais quel renouveau ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le mouvement d’Emmanuel Macron ne révolutionne pas la démocratie des partis. Il innove par sa fulgurance et son fonctionnement interne. Pour sa méthode de gouvernement transpartisane, on verra…

Quoi de neuf, électeur ? En marche ! vraiment ? Le mouvement du favori de l’élection présidentielle française bouscule-t-il à ce point les standards politiques des démocraties occidentales pour être érigé en modèle éventuellement transposable ? Analyse de cet objet politique non clairement identifié. Politiquement, Emmanuel Macron occupe un espace que le bipartisme en vigueur depuis des décennies en France entre la gauche socialiste et la droite classique (puis le tripartisme avec l’extrême droite pour les scrutins présidentiel et européen) a longtemps privé de notoriété. Du MoDem (Mouvement démocrate) à l’UDI (Union des démocrates et indépendants) en passant par le PRG (Parti radical de gauche), les formations centristes n’ont jamais réussi à prospérer, en raison notamment d’un système électoral (uninominal majoritaire à deux tours) qui favorise la bipolarisation et entrave la représentation des courants politiques à l’Assemblée nationale. Une personnalité (l’ancien ministre de l’Economie encore novice en politique), des circonstances externes (l’échec de la présidence Hollande, l’effondrement du Parti socialiste et le fiasco des Républicains de François Fillon) et un momentum inédit dans l’histoire (la mondialisation et ses effets tantôt prodigieux, tantôt pernicieux, et le besoin de plus en plus affirmé de  » renverser la table « ) ont cette fois-ci bouleversé la donne et permis l’émergence d’un candidat enfin crédible.

Un parti comme un autre ?

Emmanuel Macron a bien compris que pour appuyer son ambition présidentielle, il lui faudrait une structure partisane puisqu’il ne concevait pas son combat  » et de gauche et de droite  » dans le giron du Parti socialiste, qu’il avait pourtant servi dans le gouvernement de Manuel Valls. Il crée En marche ! le 6 avril 2016, le cornaque comme une start-up de la politique, le fait progresser en un temps record pour s’en servir comme un parti de la future majorité présidentielle ( ? ) lors des élections législatives des 11 et 18 juin. Si ce n’est dans sa fulgurance, En marche ! ne rompt pas avec la tradition particratique des démocraties européennes. Et il n’est pas le premier, loin de là, à bousculer l’échiquier classique. Podemos, en 2014 en Espagne, a aussi émergé en réaction aux déboires de l’historique Parti socialiste ouvrier espagnol, qui s’est quelque peu ressaisi depuis. Le Mouvement 5 étoiles, né en 2009 en Italie, a eu un destin encore plus improbable parce qu’il a été fondé par un humoriste, plus déterminé et plus inquiétant qu’un certain Coluche à une autre époque. Stratégiquement, Emmanuel Macron innove donc sur l’échiquier politique français, sûrement par son impressionnante ascension et l’ambition qu’il assigne à En marche ! , moins par la dynamique utilisée en regard des précédents européens.

La vraie innovation de l’entreprise Macron se jaugera en vérité sur sa méthode. Son succès repose sur la cohorte de – jeunes – militants qu’il a réussi à attirer dans son mouvement en un temps record. Les  » marcheurs  » sont constitués en 3 755 comités locaux à travers l’Hexagone. Depuis des mois, ils répandent la  » bonne parole  » au moyen de ce qu’ils nomment des kiosques, opérations de tractage sur les places publiques, grâce à du porte-à-porte et par un suivi étroit des réseaux sociaux (5 000 bénévoles sur Facebook, 3 000 sur Twitter). En marche ! revendique 240 000 adhérents ; soit déjà plus que les formations traditionnelles (238 000 pour Les Républicains avant les ennuis de François Fillon, 120 000 revendiqués en 2016 par le PS, 85 000 par le FN). Un véritable phénomène si l’on sait que le mouvement n’a perçu aucune subvention contrairement à ses rivaux établis et qu’à l’origine, il ne bénéficiait que de peu de relais.

En marche ! revendique 240 000 adhérents, soit déjà plus que les partis traditionnels.
En marche ! revendique 240 000 adhérents, soit déjà plus que les partis traditionnels.© Laurent vu/isopix

Beaucoup de candidats de la société civile

Le réalisme du programme, le dépassement promis du stérile clivage gauche – droite, le succès grandissant dans les intentions de vote de son candidat, la déliquescence du PS et l’orientation radicale privilégiée par le candidat Les Républicains… ont fini par attirer vers En marche ! nombre de personnalités, plus de gauche que de droite, prêtes à s’investir dans cette nouvelle offre politique. Rapidement, l’accusation de recyclage des opportunistes de tous bords a été avancée. Emmanuel Macron a donné des indications qu’il y était sensible, preuve sans doute qu’elle n’était pas totalement infondée. Selon lui, un autre fonctionnement de la politique implique donc par exemple de réserver 50 % des candidatures aux législatives à des personnalités de la société civile ou de proscrire la nomination d’anciens ministres aux futurs postes gouvernementaux, sauf rare exception (qu’il réserve selon toute vraisemblance à l’actuel ministre de la Défense socialiste Jean-Yves Le Drian).

Les intentions, indéniablement, sont louables. Pour s’en convaincre, il est éclairant d’écouter les efforts de persuasion déployés par le candidat Macron (dans une capsule accessible sur le site Web du mouvement en-marche.fr) pour permettre à plus de femmes de briguer les investitures… Cet objectif – En marche ! vise la parité –  » est la condition de la vitalité de notre démocratie « , y affirme-t-il notamment. L’équilibre hommes – femmes était en tout cas respecté dans la première fournée d’investitures de personnalités de la société civile qu’Emmanuel Macron a présentée lors de L’émission politique sur France 2 le jeudi 6 avril. Une certaine diversité professionnelle y était aussi de mise : une directrice d’école, un agriculteur, une cheffe d’entreprise, un consultant financier, une avocate figuraient aux côtés de personnalités plus connues comme le sociologue et directeur des éditions de l’Aube Jean Viard ou l’ancien patron du Raid (l’unité d’élite de la police) Jean-Michel Fauvergue.

Des promesses à concrétiser

Probité, parité réelle, renouvellement, pluralisme politique et cohérence sont les cinq principes que s’assigne En marche ! pour ces candidatures. Une commission d’investiture est chargée de les faire respecter. L’ancien médiateur de la République Jean-Paul Delevoye, connu pour son intégrité, lui donne a priori une grande crédibilité. Autre garde-fou contre des candidatures folkloriques, les postulants sont appelés à financer eux-mêmes leur campagne, une nécessité aussi économique pour le jeune mouvement.

Au-delà de ses règles de fonctionnement, En marche ! sera surtout jugé sur les nouvelles pratiques politiques qu’il promet pour apprécier le renouveau qu’il entend insuffler à la vie politique française. Respect de l’adversaire, ouverture aux idées émanant d’autres horizons, rupture avec les pratiques partisanes, autant de comportements qui ont été esquissés dimanche soir par les porte-parole du mouvement d’Emmanuel Macron. Mais il serait hâtif d’y déceler d’office une révolution.

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