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En Grèce, « ça ne vaut plus le coup de travailler, autant manifester »

Les manifestations violentes dans la nuit de dimanche à lundi en Grèce marquent un tournant. Pour les Grecs, le plan d’austérité vise à rassurer les marchés, mais en aucun cas à aider la population. Reportage.

Vera, les yeux rougis par les gaz lacrymogènes, lorgne avec une colère mal contenue vers le parlement grec à Athènes. Il trône comme le palais qu’il était, distant de la plèbe qui depuis des jours le vomit, « c’est tous des voleurs, ils ne pensent qu’à leur siège » souffle la quinquagénaire, visiblement épuisée par des heures de manifestation musclée. « Faites partir les Mat -les forces anti-meutes- qui les gardent et vous verrez, je ne donne pas cher de leur peau ». A côté, son mari aussi fatigué qu’elle, essaie de la réconforter. Il la prend dans ses bras et tente de la rassurer. « Ca va aller. On s’en sortira ». Il n’est pas vraiment convaincu mais il essaie d’y croire.

Vera prend le dessus. La presse est là, elle veut témoigner: « c’est ça qu’ils veulent? Qu’on vende tout? Qu’on n’ait plus rien? Qu’est je vais dire à mon enfant? Demain il va me regarder dans les yeux et il va me demander: t’étais où maman quant ils vendaient le pays? Quant ils nous trahissaient? Qu’est-ce que je vais lui répondre? ». Pour elle comme pour beaucoup de grecs, ce plan d’austérité n’est rien d’autre que « le bradage du pays et de sa force vive ».

Juste à côté, un professeur de mathématiques, 40 ans, intervient: « ils veulent faire de nous les esclaves de l’Europe, ils veulent nous humilier ça ne peut pas continuer ». Irini, professeure elle aussi, rejoint le groupe, attirée par les cris, « vous savez, avant la crise je touchais 1200 euros, désormais j’en touche 760. A chaque jour de grève ils me ponctionnent 80 euros et les mesures sont rétroactives: ce mois ce n’ai touché que 280 euros. Ca ne vaut plus le coup de travailler, autant manifester et tout casser pour qu’ils comprennent qu’on ne va pas se laisser faire! ».

Radicalisation des manifestations

Nul doute que la manifestation de dimanche marque un tournant. Les grecs sont habitués, las même, des vitrines caillassées aux voitures qui flambent, aux corps à corps entre casseurs et forces anti-émeutes. Mais dimanche les affrontements sont passé à un degré supérieur. Ceux qui participaient aux affrontements étaient beaucoup plus nombreux. Ils avaient des armes, des bombes artisanales, souvent allumées avec des briquets empruntés dans la foule.

La radicalisation des manifestations semble découler de la « radicalisation » des demandes du FMI et des pays de la zone euro. Les Grecs pensent qu’on ne veut pas vraiment les aider mais plutôt aider les banques. Ils auraient un tout autre sentiment si un plan Marshall, des plans d’investiments, accompagnaient cette austérité.

Des députés barbouillés de yaourts

Le vote du plan d’austérité va certainement rassurer les marchés mais il ne va pas résoudre le problème de son application. D’autant que des législatives anticipées sont annoncées en avril prochain et que l’ensemble des partis qui se sont opposés à cette rigueur ont déclaré qu’ils n’appliqueraient pas ces réformes, mais demander une renégociation. Désormais, il va être extrêmement difficile pour les députés qui ont voté en faveur du texte de circuler dans les rues.

Plusieurs d’entre eux se sont retrouvés barbouillés de yaourt. Récemment, le ministre de l’Environnement a dû être évacué par la petite porte d’un grand hôtel pour fuir des manifestants. Les grecs n’ont plus confiance en leur classe politique, ni en l’Europe. Pire, ils ne voient plus d’avenir, ils sont sans espoir. Et le montrent dans la rue.

Trends.be, avec Lexpress.fr

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