Gérald Papy

« En ciblant l’Iran, Trump va-t-il répéter la même erreur que Bush avec l’Irak ? »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le Bataclan à Paris, la discothèque le Pulse à Orlando, la promenade des Anglais à Nice, le marché de Noël à Berlin et, depuis lundi soir, la Manchester Arena… Lieux de partage et de fête, les théâtres de ces attentats perpétrés depuis deux ans par des extrémistes islamistes ne sont pas choisis au hasard.

Les privilégier vise à provoquer, au sein d’une foule rassemblée, un maximum de victimes, condition de la sidération, et à ébranler, condition de la division, la confiance dans le mode de vie occidental synonyme de liberté et de joie de vivre. C’est la raison pour laquelle, si elle doit mobiliser le renseignement, la protection, la répression, la diplomatie, la meilleure réponse à ce terrorisme ne peut s’envisager sans la défense de valeurs et la cohésion sociale. Or, pour éviter les dissensions, encore est-il indispensable d’identifier, de circonscrire et de nommer l’ennemi et ses soutiens.

Le positionnement de Donald Trump lors de la partie moyen-orientale de la tournée qui l’a mené à Bruxelles n’est pas, à cet égard, de nature à rassurer sur l’efficacité de la lutte contre le terrorisme islamiste, notoirement sunnite depuis plusieurs années. C’est en effet à l’Iran… chiite que le président des Etats-Unis a réservé sa vindicte lors de ses visites en Arabie saoudite et en Israël. Ce revirement par rapport à la doctrine de Barack Obama est commode pour son successeur. Il satisfait ses deux principaux alliés dans la région : Israël, pour les craintes que lui inspirent encore les ambitions atomiques de la République islamique malgré l’accord de 2015 sur son programme nucléaire, l’Arabie saoudite, pour la concurrence sur le leadership religieux et politique régional que lui oppose Téhéran. Surtout, ce tournant stratégique vient conforter une alliance, avec Riyad, dont les principales retombées pour les Américains se comptent en espèces sonnantes et trébuchantes, en investissements et en contrats. Mais quel sera le prix politique de ce deal ?

u0022Aucun dirigeant sensé ne peut ignorer l’influence du wahhabisme saoudien sur le djihadisme mondialu0022

L’Iran n’est pas le plus amical des interlocuteurs des Occidentaux. Son soutien financier et militaire à ses frères chiites en Syrie, au Liban, en Irak, au Yémen, le place dans une confrontation directe ou indirecte avec les Européens et les Américains. Mais Téhéran a renoncé, depuis une campagne d’attentats dans les années 1980 et 1990, au terrorisme comme arme d’expansion idéologique. De surcroît, une majorité d’Iraniens, au terme d’un scrutin très encadré mais sans aucun équivalent en… Arabie saoudite, a approuvé, via la réélection du président conservateur modéré Hassan Rohani, la stratégie d’ouverture économique permise par l’arrangement sur le nucléaire. Donald Trump va-t-il ruiner cette aspiration démocratique et le meilleur moyen trouvé par les puissances occidentales pour mettre fin au projet militaire atomique de l’Iran ? Ce serait criminel.

En revanche, le président des Etats-Unis se refuse à questionner l’implication de l’allié saoudien ou de certains de ses responsables dans le financement et l’armement de l’Etat islamique et d’Al-Qaeda. Et aucun dirigeant sensé ne peut plus ignorer l’influence passée et présente du wahhabisme, la doctrine rigoriste de l’islam professée par les Saoudiens, sur le projet djihadiste mondial. La question rejoint le débat sur le rôle de Riyad dans la propagation d’un islam radical et d’une vision rétrograde de la femme que la Belgique mène depuis quelques semaines avec plus d’intelligence qu’à la Maison-Blanche. Après le 11-Septembre et des représailles légitimes en Afghanistan, George W. Bush avait dévoyé la guerre contre le terrorisme dans une aventure contre l’Irak de Saddam Hussein dont on paie encore les conséquences, de Bruxelles à Manchester. On peut se demander aujourd’hui si Donald Trump ne répète pas cette erreur stratégique en ciblant l’Iran. Avec des répercussions potentiellement encore plus effroyables.

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