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En cas de raid aérien en Syrie, la France invoquera la légitime défense

Comme l’ont déjà fait les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, la France invoquera la légitime défense si elle décide de mener des raids aériens en Syrie, y compris si cela signifie tuer des Français, une argumentation qui fait aussi son chemin en Belgique.

Alors que des vols de reconnaissance de l’armée de l’Air française viennent de commencer au-dessus des régions tenues en Syrie par le groupe Etat islamique, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a expliqué mercredi soir devant des étudiants que si des bombardements aériens sont ordonnés par le président François Hollande, ils s’effectueront « sur la base de l’article 51 de la charte des Nations unies, c’est-à-dire la légitime défense ».

« Dès lors qu’il est avéré qu’à partir du territoire syrien, qui n’est pas entièrement contrôlé par le gouvernement syrien (…) des forces de Daech (acronyme de l’Etat islamique) menacent des intérêts français, à la fois à l’extérieur et en France, nous sommes parfaitement légitimes à nous défendre », a-t-il insisté.

C’est l’argument qu’a aussi développé à Londres le Premier ministre David Cameron pour justifier l’élimination, dans un tir de drone de l’armée britannique près de la ville syrienne de Raqqa le 21 août, de deux jeunes Anglais membres du groupe Etat islamique (EI), dans leur voiture. « Nous avons les preuves irréfutables que ces deux individus préparaient des attaques armées contre le Royaume-Uni », a-t-il assuré.

Et c’est également derrière l’article 51 que s’est abritée l’administration américaine pour justifier l’élimination, dans des raids aériens, de trois ressortissants américains vivant au Yémen, soupçonnés d’avoir rejoint les rangs d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).

Une action devant la justice américaine engagée par Nasser al-Awlaki, père et grand-père de deux des citoyens américains d’origine yéménite tués, a été rejetée en juin 2014 par un juge fédéral. « C’est le même cadre qui a justifié notre intervention en Irak », a indiqué jeudi le porte-parole du ministère français de la Défense, Pierre Bayle. « C’est donc bien une forme de prolongation de l’opération Chammal » qui prévoit des raids aériens français contre les positions de l’EI en Irak.

En Belgique – qui n’est pas directement concernée car elle a retiré ses avions de combat F-16 de Jordanie fin juin, tout en se préparant à y retourner l’an prochain -, le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a indiqué que le gouvernement était prêt à étudier la participation à des opérations militaires aériennes en Syrie en dehors du cadre d’une résolution des Nations unies.

Face à des djihadistes qui multiplient les décapitations et les exécutions postées sur internet et qui revendiquent des attaques terroristes et des tentatives dans les pays occidentaux, les organisations de défense des droits de l’Homme sont mal à l’aise et peinent à condamner ouvertement l’emploi de la force aérienne pour tenter d’éliminer des comploteurs.

« C’est une question éminemment complexe, nous préférons ne pas nous exprimer ouvertement sur la question », a répondu jeudi à l’AFP un haut responsable d’une ONG de défense des droits humains en demandant l’anonymat. « Nous même n’avons pas encore résolu la question entre nous, nous en discutons… C’est très délicat ».

« A titre personnel, je peux juste dire que si on est bien dans le cadre d’une guerre, alors je ne pense pas que les conventions de Genève interdisent de s’en prendre à des personnes qui certes ne portent pas d’uniforme mais qui appartiennent à des groupes qui exercent une violence en termes militaires ».

Dans un tribune publiée dans le quotidien Guardian, l’expert britannique en affaires légales Joshua Rozenberg, a écrit: « Si Khan (l’un des djihadistes anglais tués le 21 août) s’était caché dans un village ou une maison, il aurait été disproportionné de bombarder les lieux. Mais attaquer un véhicule transportant des combattants de l’EI peut être considéré par beaucoup comme une réponse proportionnée ».

« D’après ce que nous en savons, ce raid sans précédent sur des apprentis terroristes britanniques semble être légal », a-t-il ajouté. Si elle admet que dans certains cas la légitime défense peut être invoquée, Aisling Reidy, conseillère juridique de l’ONG Human Rights Watch (HRW), estime que « cela ne peut être le cas que dans des situations très limitées.

« Invoquer le droit à la légitime défense ne donne pas au gouvernement français un chèque en blanc pour mener des assassinats ciblés sous couvert de sécurité nationale », confie-t-elle à l’AFP. « Il devra publier les preuves d’une menace directe et imminente (…) faute de quoi invoquer la charte de l’ONU ne lui donnera pas le droit de tuer ».

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