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En Afghanistan, l’accès à la santé reste inégal

A l’occasion des dix ans de l’intervention militaire en Afghanistan, une coordination d’une centaine d’ONG internationales et locales présente, ce vendredi à Paris, un rapport sur l’état d’esprit des habitants et leurs principales attentes : l’éducation et l’accès à la santé.

Afghanistan, dix ans après… Les habitants du pays, dirigé par les talibans jusqu’en 2001, ont certes bénéficié du développement d’infrastructures de santé – hôpitaux, cliniques – mais leur qualité laisse encore à désirer. « Les services ne marchent pas », s’insurge Anne Garella, directrice d’ACBAR (« Agency coordinating body for afghan relief »), une coordination d’ONG internationales et locales en Afghanistan qui ont rencontré, entre juillet et septembre dernier, 430 habitants de plusieurs provinces du pays dernier afin de sonder les attentes de la population.

Des médecins, il en manque encore. Et ceux qui exercent sur le terrain manquent de connaissance, de professionnalisme. Ils restent parfois plus préoccupés par leurs propres intérêts : « Certains proposent de consulter leurs patients dans des cabinets privés plutôt qu’à l’hôpital pour gagner plus d’argent », confie Anne Garella. La corruption n’a pas dit son dernier mot.

« Sentiment de gâchis »

Autre souci, celui du déséquilibre des services médicaux entre villes et campagnes : « Les habitants des villages les plus reculés doivent, parfois, faire plusieurs heures de route pour recevoir un simple diagnostic et certains meurent en chemin », souligne Anne Garella. Qui ajoute : « Dans certaines provinces, il n’y a qu’une anesthésiste pour 200 000 habitants. »

Un « sentiment de lassitude et de gâchis » guette les Afghans estime Anne Garella. Quelques 60 milliards de dollars ont été investis pour la reconstruction du pays. La responsable de la coordination d’ONG songe aux questions que se posent quelques Afghans : « Ou l’argent de la communauté internationale est-il passé ? », « Que va-t-il advenir de nous, maintenant que les forces internationales vont quitter Le territoire? »

Même les plus illettrés ont « compris que ces avancées – bien qu’insuffisantes – étaient le fruit du travail des ONG et de la communauté internationale », explique-t-elle.

Les personnes interrogées se divisent sur la présence étrangère en fonction de leur origine. Les habitants de la province montagneuse Ghôr, une zone située dans le centre du pays qui n’a accueilli que peu de membres de la coalition, prônent, par exemple, le maintien des forces internationales pour assurer la sécurité. D’autres, en revanche, préfèreraient que les Afghans règlent leurs problèmes entre eux, « entre frères musulmans ».

« Les femmes peuvent soigner nos mères »

Certaines personnes citées dans le rapport des ONG internationales estiment que le gouvernement d’Hamid Karzaï a contribué à la mise en place d’infrastructures éducatives et médicales. Mais tous ne partagent pas le même avis, en particulier à propos des décideurs locaux, ces représentants du pouvoir exécutif à l’échelle régionale. Dans le sud, près de Kandahar, une zone moins propice au clientélisme en raison d’une homogénéité tribale, les personnes interrogées se montrent satisfaites : « Même s’ils n’ont que peu de moyens, glisse Anne Garella, les décideurs locaux écoutent, là-bas, les doléances des habitants, selon les propos que nous avons recueillis. » Ce qui ne semble guère le cas du Nord et du Centre de l’Afghanistan.

Il y aussi du bon… Selon la responsable d’ACBAR, les Afghans reconnaissent que l’éducation des femmes peut être un atout car « elles peuvent, si elles deviennent médecins, ‘soigner nos mères’, nous ont confié certaines personnes ». Et de plus en plus d’hommes acceptent de voir leurs femmes se faire soigner par des médecins masculins.

Philippe Lesaffre

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