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Election pour la galerie en Gambie

Le président sortant Yahya Jammeh, parvenu au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, devrait être élu pour un quatrième quinquennat consécutif, ce jeudi.

Ce n’est pas cette année que la Gambie, ce doigt de gant enfoncé dans le ventre du Sénégal, s’offrira un remake local du fameux James Bond « Jamais plus Jammeh ». Car aucun suspense ne viendra pimenter la réélection ce jeudi du sortant Yahya Jammeh, 46 ans, autocrate parvenu au pouvoir en 1994 à la faveur d’un coup d’Etat, et promis à un quatrième quinquennat consécutif.

Deux indices éloquents. L’ancien officier putschiste, candidat de l' »Alliance patriotique pour la réorientation et la construction », n’a pas jugé utile de mener campagne. Il s’est borné à accomplir une tournée afin de « remercier les Gambiens « de l’avoir reconduit en 2006 pour les cinq années écoulées; et sans nul doute par anticipation pour les cinq prochaines. Quant à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), elle estime superflu l’envoi d’observateurs in situ, puisque les conditions d’un scrutin « libre, juste et transparent » ne sont pas réunies.

Aucune chance pour ses deux opposants
Certes, deux opposants défieront le satrape ubuesque, ce roi thaumaturge qui prétend vaincre le sida, l’impuissance et le diabète à l’aide d’onguents verdâtres de sa composition. Illusion d’optique: si leurs discours ont suscité lors d’une campagne pacifique et expéditive -11 jours…- un engouement limité, Ousaino Daboe et Hamat Bah n’ont aucune chance de le détrôner. Le premier, avocat de profession, a déjà vainement brigué la présidence trois fois; le second, enseignant reconverti dans l’hôtellerie, à deux reprises. Ils incarnent l’un et l’autre cette maladie infantile de la démocratie africaine: le primat des ego sur l’impératif du candidat unique, seul procédé efficace face au monarque liberticide en place. Au demeurant, Sa Majesté déteste la contradiction: il a expulsé tour à tour la représentante de l’ONU à Banjul puis la déléguée de l’Unicef.

Bien sûr, Jammeh, qui revendique la dignité de « don de Dieu », peut invoquer l’essor de son royaume anglophone enclavé, « smiling coast » servie par un potentiel touristique -plages de rêve et palaces- enviable, tout comme la modernisation de ses infrastructures, routes, hôpitaux et écoles. Reste que la majorité des 1,8 million de Gambiens campent encore sous le seuil de pauvreté, survivant avec moins d’1,50 euros par jour.

Et que le clan diola au pouvoir traque férocement les défenseurs des droits de l’homme, les dissidents ou les journalistes insoumis. Dans un rapport publié en juillet, Amnesty International souligne que sous le règne de Yahya 1er, « des centaines de personnes ont disparu, ont été assassinées ou torturées » et dénonce l’impunité dont jouissent les auteurs et les commanditaires de tels sévices. En 2009, le grand timonier de la petite Gambie avait dans un même élan purificateur menacé de mort les « ennemis du régime » et les homos. A quand la projection, dans les cinémas de Banjul, de cet autre opus de l’agent 007, incarné pour le coup par Timothy Dalton: « Tuer n’est pas jouer »?

Vincent Hugeux

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