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Egypte : les raisons de la colère

L’Egypte vit sa plus grave crise depuis l’élection en juin de Mohamed Morsi à la présidence de la République. Comment en est-on arrivé là ? Retour sur deux semaines de crise.

L’Egypte est à nouveau entrée en turbulence. Avec la mort de 5 manifestants, lors d’affrontements entre pro et anti-Morsi dans la nuit de mercredi à jeudi, Il s’agit de la plus grave depuis l’élection en juin de Mohamed Morsi. C’est le décret du 22 novembre, par lequel le président issu des Frères musulmans a considérablement élargi ses pouvoirs qui a déclenché les foudres des opposants. Retour sur deux semaines de crise.

Mohamed Morsi, premier président islamiste du pays, mais aussi premier président élu de façon régulière, place par décret, le 22 novembre, ses décisions à l’abri de tout recours en justice et décide qu’aucune instance judiciaire ne peut dissoudre la commission constituante, une instance cible de nombreuses critiques de la part des libéraux et laïques qui l’accusent d’être dominée par les islamistes.

S’il a agi ainsi, c’est aussi « parce que le calendrier politique, mis en place par les militaires au pouvoir après la chute de Moubarak, a placé l’Egypte dans une situation de blocage institutionnel », explique à L’Express Sophie Pommier, spécialiste de l’Egypte. Alors que le processus de transition s’éternise », près de deux ans après la chute de Hosni Moubarak, la situation économique de l’Egypte se dégrade. « En ce sens, on peut donc comprendre que Morsi ait cherché à débloquer la situation ». Mais « c’est la brutalité avec laquelle le chef de l’Etat a agi qui a secoué l’opinion ». Il a voulu tirer profit de l’aura que lui a valu sa médiation pour un cessez-le feu à Gaza, ajoute la politologue.

Le 23, des opposants entament un sit-in sur la place Tahrir au Caire. Quatre jours plus tard, des dizaines de milliers d’Egyptiens se rassemblent place Tahrir contre le président. Des heurts se produisent près de la place entre jeunes et police anti-émeutes.

Le président Morsi ne cède pas à la pression de la rue et le vendredi 30, le projet de loi fondamentale élaboré par la commission constituante est adopté, en dépit du boycott de l’opposition libérale et laïque ainsi que par des Eglises coptes. L’opposant Mohamed ElBaradei dénonce « un coup d’Etat contre la démocratie ». Des dizaines de milliers d’Egyptiens manifestent au Caire.

Le régime tente dans un premier temps de retenir ses partisans. Les Frères musulmans descendent dans la rue, non pas vendredi, jour traditionnel de manifestation, sinon le samedi 1er, et pas sur la place Tahrir, où les opposants occupent le terrain. Ils sont des centaines de milliers d’islamistes à soutenir Morsi. Celui-ci annonce un référendum le 15 décembre sur le projet de nouvelle Constitution.

Le lendemain, la Haute cour constitutionnelle rejoint la Cour de cassation et d’autres tribunaux dans une grève illimitée pour dénoncer des « pressions » exercées par le camp du président. Un syndicat de magistrats, annonce que ses membres ne superviseront pas le référendum. Mais le pouvoir judiciaire est divisé: le 3 décembre, le Conseil supérieur de la justice, donne son accord pour « déléguer les juges et les membres du Parquet général  » pour superviser le référendum.

La mobilisation se déplace autour du palais présidentiel

Les opposants ne lâchent pas la pression. Le 4, des dizaines de milliers de manifestants encerclent le palais présidentiel, situé à Héliopolis, dans la banlieue de la capitale, pour exiger le retrait du décret. Des centaines de manifestants passent la nuit devant le palais. Des centaines d’autres sont toujours sur la place Tahrir, sous des dizaines de tentes.

Les anti-Morsi appellent à manifester devant le palais présidentiel. Mais les Frères musulmans décident de tenir un rassemblement concurrent en soutien au chef de l’Etat. Dans l’après-midi de mercredi, des heurts éclatent entre manifestants des deux camps, à coups de cocktails molotov et de pierres. Dans la nuit, des coups de feu se font régulièrement entendre. Cinq manifestants sont tués par balle, selon l’agence officielle Mena, qui précise que près de 350 personnes ont été blessées. Les Frères musulmans font état de cinq décès dans leurs rangs.

Des premières dissensions apparaissent au sein de l’équipe Morsi avec la démission de quatre de ses conseillers.

Après avoir déployé des chars devant le palais présidentiel, l’armée s’engage, à ne pas avoir recours à la force contre des manifestants.

Levif.be, avec L’Express.fr

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