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Egypte : les pro-Morsi annulent des manifestations au Caire par « sécurité »

Le Vif

Les partisans du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée ont annoncé qu’ils annulaient dimanche certaines de leurs manifestations au Caire « pour raisons de sécurité », au cinquième jour de heurts avec les forces de l’ordre qui ont fait plus de 750 morts.

Les militants islamistes avaient annoncé neuf manifestations au Caire dans le cadre d’une « semaine contre le coup d’Etat ». « Plusieurs marches au Caire ont été annulées pour raisons de sécurité », a déclaré à l’AFP Yasmine Adel, porte-parole de l’Alliance contre le coup d’Etat, sans en préciser le nombre.

Le ministère des Biens religieux a néanmoins annoncé que les mosquées ne seraient désormais plus ouvertes que pour les prières, tentant ainsi d’éviter les rassemblements islamistes dans ces lieux de culte d’où partent les manifestations pour appeler au retour du président islamiste Mohamed Morsi destitué et arrêté le 3 juillet par l’armée.

Samedi, après un face à face de plusieurs heures marqués par des échanges de tirs, la police a évacué de force des centaines qui étaient retranchés dans la mosquée Al-Fath du Caire -dont certains ont ensuite été tabassés par une foule en colère-. Quelque 385 personnes ont été arrêtées.

Ce jour-là, l’Alliance anti-coup d’Etat, qui a appelé à des manifestations quotidiennes sous le slogan « la semaine du départ du coup d’Etat », n’est pas parvenue à mobiliser et seuls quelques groupes de manifestants avaient bravé le couvre-feu nocturne.

Mais ne désarmant pas, elle a appelé à deux défilés en direction de la Haute cour constitutionnelle et d’une place de l’est du Caire après la prière, vers 14H00 GMT.

Entretemps, la vie a repris quasiment son cours normal dans les rues du Caire de nouveau embouteillées avec la reprise des transports publics et le retour des résidents à leur travail, pour ce premier jour de la semaine dans le pays.

L’épreuve de force et les heurts sanglants n’ont pas connu de répit ces derniers jours malgré les condamnations internationales et les appels à la retenue, et l’Union européenne a averti qu’elle était prête à « réexaminer » ses relations avec ce pays si la violence ne cessait pas.

Depuis le coup militaire, l’Egypte, sous état d’urgence et gagnée par des scènes de guerre inédites, est divisée en deux camps qui semblent désormais irréconciliables: d’une part l’influente confrérie des Frères musulmans dont est issu M. Morsi et de l’autre les partisans de la solution sécuritaire de l’armée qui l’a emporté sur les rares voix prônant le dialogue au sein des nouvelles autorités.

Les heurts entre forces de l’ordre et pro-Morsi ont débuté fin juin avec des manifestations monstres appelant au départ de M. Morsi, le premier président d’Egypte élu démocratiquement, sur lesquelles le nouvel homme fort du pays, le chef de la toute-puissante armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, s’est appuyé pour justifier sa destitution.

Ils ont fait près de 600 morts mercredi quand policiers et soldats ont réduit à néant deux campements pro-Morsi au Caire et se sont affrontés à d’autres manifestants à travers le pays, la journée la plus meurtrière depuis la révolte populaire qui a renversé le président Hosni Moubarak en février 2011.

Vendredi, 173 personnes ont péri dans les violences, alors que trois policiers ont été tués ces dernières 24 heures dans la péninsule instable du Nord-Sinaï.

Le gouvernement, qui répète à l’envi combattre des « terroristes », a autorisé ses forces de l’ordre à ouvrir le feu sur les manifestants hostiles, accusant les pro-Morsi d’attaquer postes de police, bâtiments officiels et églises.

Le chef de la diplomatie égyptienne Nabil Fahmy a une nouvelle fois salué la « très grande retenue » des forces de l’ordre et réaffirmé que son pays n’avait d’autre choix que d’intervenir après que les islamistes ont occupé deux places du Caire pendant 45 jours et continuent d’exiger le retour du président déchu, rejetant comme « illégitimes » le gouvernement et le président intérimaires installés par l’armée.

Alors que la télévision affiche désormais en permanence le logo « l’Egypte combat le terrorisme », en anglais, et que la presse, unanime, dénonce le « complot » des Frères musulmans, le gouvernement continue d’assurer que les membres des Frères musulmans pourraient participer au processus de transition, tout en précisant qu’il n’y aurait « pas de réconciliation avec ceux ayant du sang sur les mains ».

Le 25 août, s’ouvre le procès des principaux dirigeants de la confrérie, dont son Guide suprême en fuite Mohamed Badie, pour « incitation au meurtre » de manifestants pro-Morsi. Vendredi, l’un des fils de Mohamed Badie a été tué dans les violences et samedi le frère du chef du réseau Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri a été arrêté.

L’imam d’Al-Azhar, plus haute autorité de l’islam sunnite, a condamné les attaques contre les églises coptes et appelé « tous les Egyptiens à la réconciliation », tandis que le pape François a dit qu’il continuait à prier pour la paix en Egypte.

Craignant de nouvelles violences, les Etats-Unis ont annoncé que leur ambassade au Caire resterait fermée dimanche. Londres et l’ONU ont dénoncé un « usage excessif de la force » contre les manifestants, alors que Berlin a appelé au « dialogue », seule solution pour éviter la « guerre civile ».

La Bolivie, a quant à elle, qualifié la répression de « génocide ». En revanche, Amman et surtout Ryad ont affirmé soutenir le pouvoir égyptien « face au terrorisme ».

A l’issue d’une année de présidence marquée par une crise politique et des violences, M. Morsi était accusé par ses détracteurs d’avoir accaparé le pouvoir et d’avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

Le gouvernement interdit les milices anti-islamistes

Le ministère égyptien de l’Intérieur a annoncé dimanche l’interdiction des « comités populaires », des milices de quartiers anti-islamistes qui ont récemment essaimé en Egypte.

Ces groupes d’auto-défense sont formés en général de jeunes armés qui s’en prennent depuis plusieurs jours aux partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi. Le ministère affirme dans un communiqué avoir pris cette décision car ces groupes mènent « des actions illégales ».

Dans plusieurs quartiers, des résidents membres de ces « comités » ont installé des barrages, fouillant les véhicules et vérifiant les papiers d’identité à l’entrée de leur quartier ou de leur rue.

Ils s’en prennent régulièrement aux hommes portant la barbe et aux femmes vêtues du voile intégral, les accusant d’être pro-Morsi. Ces milices font craindre une montée de la justice de rue dans le pays profondément divisé entre pro-Morsi et partisans des nouvelles autorités installées par l’armée après la destitution et l’arrestation de l’ex-chef de l’Etat le 3 juillet.

L’Egypte ne « pliera » pas devant la violence des islamistes

Le général Abdel Fattah al-Sissi, le chef de l’armée égyptienne et nouvel homme fort du pays, a assuré dimanche que l’Egypte ne « plierait » pas devant la violence des islamistes, lors d’une réunion avec les principaux chefs militaires et de la police.

« Quiconque imagine que la violence fera plier l’Etat et les Egyptiens doit revoir sa position, nous ne resterons jamais silencieux face à la destruction du pays », a-t-il dit dans sa première déclaration depuis le début, mercredi, de la répression sanglante contre les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi.

Le Premier ministre veut dissoudre les Frères musulmans

Les tensions sont toujours aussi vives en Egypte après l’évacuation de la mosquée Al-Fath au Caire samedi. Le Premier ministre veut dissoudre la confrérie des Frères musulmans, ces derniers appellent à manifester.

Au lendemain de l’évacuation d’une mosquée au Caire, les islamistes ont appelé à de nouvelles manifestations contre le pouvoir en place. Samedi, le ministère de l’Intérieur a fait savoir que 385 personnes se trouvant dans la mosquée Al-Fath avaient été arrêtées. Au total, les sources évaluaient à 1000 personnes le nombre de personnes sur place. Samedi, l’agence Mena a de son côté fait savoir que 250 partisans des frères musulmans étaient poursuivis par la justice égyptienne, dans le cadre d’une enquête pour meurtre, tentative de meurtre et terrorisme.

La montée des tensions a coûté la vie à plus de 750 personnes en seulement quatre jours. Des scènes de guerre civile sont diffusées sur Internet. D’un côté, les Frères musulmans estiment être les victimes d’un véritable coup d’État perpétré par l’armée. De l’autre, le pouvoir en place se défend en disant s’attaquer aux terroristes, avec le soutien du peuple.

Le Premier ministre est même allé plus loin en affirmant réfléchir à la dissolution de la confrérie des frères musulmans, « dans un cadre légal », relate France 24. Cherif Chaouki, le porte-parole du gouvernement, a précisé que cette éventualité avait été soumise au ministre des Affaires sociales, en charge de ces questions. Il s’agirait notamment de forcer la confrérie à formaliser son entité, alors qu’elle est actuellement tantôt présentée comme un parti politique, une association où une organisation religieuse.

Nouvelles manifestations prévues ce dimanche

De leur côté, les Frères musulmans ne désarment pas. Les islamistes ont en effet appelé à la poursuite des manifestations. Pour la journée de dimanche, ils ont notamment prévu de marcher sur le siège de la Haute cour constitutionnelle dans le quartier résidentiel de Méadi, située sur le Nil, détaille un communiqué de l’Alliance Anti-Coup tout juste publié. Un symbole, puisqu’il s’agit de l’instance avait invalidé le Parlement à majorité islamiste. Au Caire, la place de Roxy a également été choisie comme lieu de rassemblement, pour une marche. Au total, six points de rencontre ont été fixés. Samedi, aucun rassemblement de masse n’a été signalé dans le pays, excepté quelques petits regroupements dans la soirée, précise l’AFP. Des affrontements auraient toutefois opposé des manifestants islamistes à d’autres civils à Alexandrie, fait savoir l’agence Mena, sans que l’information n’ait pu être vérifiée.

Samedi, le fils du Guide suprême des frères musulmans a été tué, touché par balle au cours des affrontements. Le bilan de la journée est particulièrement lourd, de 173 morts au total selon le ministère de la Santé, dont 95 uniquement dans le centre du Caire.

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