© Image Globe

Egypte : l’armée fait table rase des législatives

La justice égyptienne a déclaré « illégal » le parlement issu des élections législatives de l’hiver dernier, à deux jours de la présidentielle. Les opposants dénoncent un « coup d’Etat constitutionnel ».

La « Révolution égyptienne » n’a pas eu lieu. L’Egypte est sonnée après trois coups portés à la transition cette semaine, à deux jours du deuxième tour de la présidentielle. Le parlement élu en décembre janvier dans le cadre des premières élections législatives libres de l’histoire de l’Egypte a été invalidé jeudi par la Haute cour constitutionnelle, considérée comme inféodée aux Forces armées. Celle-ci a en revanche rejeté la loi adoptée en avril par le Parlement pour frapper d’inéligibilité les plus hauts dirigeants de l’ancien régime, et par là même validé la candidature d’Ahmad Chafiq à la présidentielle. Et mercredi, le gouvernement avait rendu à la police militaire et aux services de renseignement de l’armée le pouvoir d’arrêter des civils, suspendu le 31 mai avec la fin de l’état d’urgence.

Selon des sources militaires, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011, pourrait annoncer qu’il assumerait directement le pouvoir législatif après la décision de la cour.

La décision de la Haute cour constitutionnelle a provoqué la colère des Frères musulmans qui ont parlé d’un véritable « coup d’Etat » des militaires. Dans le même temps, la Haute cour constitutionnelle a maintenu la candidature contestée d’un proche de Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq, à l’élection présidentielle lors de laquelle il affrontera Mohammed Morsi, candidat des Frères musulmans.

Dans un arrêt qui était très attendu, la cour a ouvert la voie à une mise hors-jeu, du Parlement, en jugeant « illégales » les conditions d’élection de l’ensemble des députés. Sont mises en cause certaines modalités de cette élection très complexe qui s’était étalée sur près de trois mois à partir de novembre. Les résultats s’étaient traduits par un raz-de-marée islamiste, avec près de la moitié des sièges revenant aux Frères musulmans, et près d’un quart aux fondamentalistes salafistes.

Mohammed Morsi a dit pour sa part qu’il « respecte » les décisions de la cour « en raison de (son) respect pour les institutions de l’Etat et pour le principe de la séparation des pouvoirs », alors que son adversaire saluait un « jugement historique » des juges constitutionnels qui lui permet de se maintenir.

La loi anti-« fellouls » annulée

Parrallèlement, la loi dite « d’isolement politique » avait été adoptée en avril par le nouveau Parlement pour frapper d’inéligibilité les plus hauts dirigeants de l’ancien régime, comme Ahmad Chafiq. Sa candidature, un moment invalidée, avait ensuite été maintenue par la commission électorale en attendant un jugement sur le fond de la Haute cour constitutionnelle.

« Cela veut dire que la révolution est finie », s’est exclamé un manifestant venu protester près de la cour contre le maintien d’Ahmad Chafiq. Ce dernier est accusé par ses détracteurs d’être soutenu par les militaires afin de barrer la route aux islamistes et rétablir un pouvoir proche de celui qui prévalait sous le raïs aujourd’hui déchu et emprisonné. « On ne veut plus des fellouls », ont scandé des manifestants, utilisant ce terme péjoratif pour désigner les « restes » de l’ancien régime.

La police militaire autorisée à arrêtée des civils

L’annonce de ces arrêts intervient dans un contexte tendu, après la décision mercredi de rendre à la police militaire et aux services de renseignement de l’armée le pouvoir d’arrêter des civils. Cette possibilité avait été levée le 31 mai avec la fin de l’état d’urgence, qui était en vigueur sans discontinuer depuis 1981.

Dix-sept ONG égyptiennes ont appelé jeudi à l’annulation de cette mesure. La tension politique est également montée d’un cran après le verdict rendu le 2 juin dans le procès de Hosni Moubarak et plusieurs de ses proches. L’ancien raïs a été condamné à la prison à vie, mais six hauts responsables de la police ont été acquittés, et toutes les charges de corruption contre Hosni Moubarak et ses fils Alaa et Gamal ont été déclarées prescrites.

Le Vif.be, avec L’Express.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire