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Egypte, dictature démocratique ?

Après 18 jours d’une mobilisation acharnée, l’Egypte a renversé Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Le 11 février, Moubarak quitte la capitale et démissionne, donnant autorité à l’armée pour gérer les affaires du pays. Comme en Tunisie, la révolution est née de la convergence du mouvement pour les droits des travailleurs dans les villes manufacturières et du mouvement contre la brutalité policière. La jeunesse y représente un acteur radicalement nouveau, né sur les réseaux sociaux et dépositaire d’une ligne progressiste, attachée aux droits fondamentaux, aux devises modernes (« dignité », « travail »), mais aussi ouvert aux différentes tendances laïques et religieuses.

Où en est-on ? Appelés à se prononcer par référendum le 20 mars, les Egyptiens ont approuvé à 77 % la réforme constitutionnelle proposée par le Conseil des forces armées au pouvoir depuis la chute de Moubarak. Le texte doit faciliter la transition vers un gouvernement civil, après la tenue d’élections législatives et présidentielle dans un délai indicatif de 6 mois. Les amendements approuvés limiteront notamment le mandat présidentiel à deux mandats de quatre ans. Même si une partie de l’opinion publique est hantée par le spectre d’un coup d’Etat des forces armées, actuellement c’est un gouvernement civil qui s’annonce. Stratégiquement, se faire le garant des acquis de la place Tahrir est dans l’intérêt de l’armée, qui – forte d’une bonne réputation auprès du peuple égyptien – vise, avant tout, à protéger ses privilèges, notamment économiques. Les militaires jouissent aussi de l’appui des Etats-Unis et d’Israël.

Tous les nouveaux acteurs politiques en Egypte ne sont pourtant pas d’accord sur le principe de la révision constitutionnelle. Ceux qui sont favorables à une transition rapide, avec des changements limités de la Constitution (comme les Frères Musulmans) se sont opposés à ceux qui plaident pour une Constitution complètement nouvelle (comme l’opposant Mohamed ElBaradei), quitte à prendre plus de temps.

Le parti des Frères Musulmans, tant redouté par l’Occident, est en réalité interdit, mais assez toléré en Egypte. Malgré leur conservatisme moral et culturel, ils sont désormais favorables au pluralisme politique et à la participation des femmes à la vie politique. Il est quand même évident que le référendum du 20 mars leur a donné l’occasion de se mobiliser et de démontrer leur force.

Il est vraisemblable que toute dérive islamique ou manoeuvre de séduction populaire pour s’emparer du pouvoir serait contrée par le peuple, qui a déjà connu et rejeté le régime dictatorial de Moubarak. Pourtant, la crainte du risque de la montée en puissance des islamistes ou de la régression dans de nouvelles formes de militarisme ou de tribalisme reste pourtant légitime.

Le 3 mars, Essam Charaf a été nommé Premier ministre par l’armée, en remplacement d’Ahmed Chafik, qui avait été désigné par le président déchu Hosni Moubarak. La nomination de Charaf est destinée à calmer les manifestants, qui ont continué à se rassembler place Tahrir pour exiger que le gouvernement soit purgé des éléments de l’ancien régime.

A.S.


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