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Egypte: au Caire, la « rébellion » se prépare contre Mohamed Morsi

Le Vif

Les opposants au président islamiste Mohamed Morsi appellent les Egyptiens à manifester massivement dimanche dans tout le pays, mais sont divisés sur le rôle que devrait prendre l’armée dans le pays. Reportage au Caire.

La scène est devenue habituelle au Caire, ces derniers jours: devant les stations-service, les voitures font la queue sur des centaines de mètres, immobiles, parfois pendant des heures. De temps à autre, deux voix s’élèvent, les noms d’oiseaux fusent, on menace d’en venir aux mains… Puis la tension retombe et chacun retourne attendre dans sa voiture, résigné.

En plus de la pénurie de carburant, des milliers d’Egyptiens font des réserves d’essence, en prévision du « chaos » qui, pensent-ils, va suivre les manifestations de dimanche contre Mohamed Morsi. Autour de la station-service de la rue Roshdy, Ali regarde les voitures à l’arrêt avec consternation. « Il n’y a plus d’essence, on a des coupures d’électricité deux fois par jour, les prix augmentent, il n’y a plus de sécurité… vous trouvez que c’est une réussite? » s’enflamme l’homme de 48 ans, qui vend des accessoires automobiles. « Les Frères musulmans n’ont tenu aucune de leurs promesses. Nous allons les chasser du pouvoir, comme on a fait pour Moubarak! » Pour les remplacer, Ali ne verrait pas d’un mauvais oeil un retour de l’armée aux affaires. « Il faut faut ramener de l’ordre dans ce pays », tonne-t-il.

A quelques mètres de là, dans les rues piétonnes de Borsa, Omniya, 23 ans, pense elle aussi que seule l’armée est capable de reprendre les choses en main. « Mais ce sera provisoire, pour un an ou deux, le temps d’organiser des élections transparentes. »

Nostalgiques du régime d’Hosni Moubarak

Pour la plupart des activistes qui ont participé à la révolution, l’intervention de l’armée serait au contraire une catastrophe: tous les efforts de démocratisation seraient anéantis. « Nous sommes absolument contre le fait que l’armée se mêle de politique », martèle Reham El Masri, l’une des organisatrices de la campagne Tamarod (rébellion). Mais parmi les signataires de la pétition, lancée début mai pour réclamer la démission de Mohammed Morsi, on compte bon nombre de nostalgiques du régime d’Hosni Moubarak, qui rêvent d’un coup d’Etat militaire contre les Frères musulmans.

« Le peuple et l’armée, une seule main! »

Hier soir, sur la place Tahrir, les opposants au président islamiste se disputaient sur cette question, jusque sur la scène qui domine la foule: « Le peuple et l’armée, une seule main! » scandait un manifestant, reprenant le célèbre slogan de la révolution. Avant qu’un autre ne lui prenne le micro des mains pour lancer « A bas le gouvernement militaire! »

Au-delà de ces contradictions, les anti-Morsi sont aussi confrontés aux critiques sur la valeur juridique de leur pétition, qui aurait selon, eux, récoltée 22 millions de signatures. « Les gens ont le droit de s’exprimer, bien sûr, mais ensuite, en démocratie, ce sont les élections qui tranchent. Et on ne peut pas refaire des élections tous les ans », pense Ahmed, qui travaille au sein du journal El Wafd.

Les bénévoles de Tamarod rétorquent que Mohamed Morsi n’a lui-même pas respecté la légalité en s’accordant des pouvoirs démesurés, en novembre, par voie constitutionnelle. « Cette pétition permet de montrer que la majorité des Egyptiens ne veulent plus des Frères musulmans, c’est ça l’important, pas de savoir si c’est légal ou pas », estime de son côté Omniya. Une seule certitude: les deux camps sont bien décidés à en découdre dans les jours qui viennent.

Nina Hubinet (L’Express.fr)

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