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DSK contre Marcela Iacub: l’auteur avoue à DSK avoir été manipulée

Le Vif

Mardi se tenait l’audience du procès intenté par l’ancien patron du FMI, Dominique Stauss Kahn contre Marcela Iacub, son ancienne maîtresse et surtout contre le livre écrit par cette dernière (Belle et Bête) sur leur relation, dont la sortie est prévue aujourd’hui même. Reportage.

Costume bleu nuit, cravate assortie, souliers immaculés et teint de vacancier, c’est un « cochon » habillé comme un prince qui s’est présenté ce mardi matin devant la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris. Suivi d’un essaim de caméras, de journalistes et de curieux, l’ancien directeur général du FMI assignait en référé Marcela Iacub et son éditeur Stock pour « atteinte à l’intimité de la vie privée ».

Au coeur du débat, le roman Belle et Bête, dont la parution est prévue ce mercredi et dont les bonnes feuilles ont été publiées par Le Nouvel Observateur, également poursuivi, dans lequel l’essayiste d’origine argentine relate sa liaison, de janvier à août 2012, avec l’ancien ministre, décrit comme un être « mi-homme mi-cochon ». Le livre, déjà imprimé à 40 000 exemplaires, devait-il faire l’objet d’une interdiction?

Au palais, c’est l’effervescence des grands jours. La grande salle est comble, les trois conseils de DSK en imposent. L’ancien patron du FMI goûte l’ambiance autrement plus bienveillante que celle du tribunal de New York.

En face, le camp paraît bien dépeuplé. Ni Marcela Iacub, ni Laurent Joffrin, directeur de la publication du Nouvel Observateur, n’ont en effet choisi de faire le déplacement. Me Didier Leick, qui défend l’hebdomadaire, commence par s’étonner de la qualification des des poursuites: « Cela relève de l’injure, pas de la vie privée! » Une demande de requalification est « l’argument du désespoir », lui réplique aussitôt Me Richard Malka, l’un des avocats de DSK. Mais c’est l’ancien présidentiable que tout le monde attend.

« Monsieur Strauss-Kahn, souhaitez-vous prendre la parole? », demande Anne-Marie Sautereau, la présidente. L’ancien ministre glisse sa circonférence jusqu’au micro puis, sur un ton grave, déplore qu’on s’en prenne à « un homme qui est déjà assez à terre ».

« Je suis choqué par un texte méprisable et mensonger. Cette affaire me dépasse très largement », conclut-il, demandant que la justice mette un coup d’arrêt à des éditeurs et de journalistes prêts à n’importe quoi pour faire de l’argent ».

Le mail qui change tout L’ancien patron du FMI a déjà livré des discours plus inspirés. Mais qu’importe: Mes Jean Veil, Richard Malka et Henri Leclerc ont de l’éloquence à revendre et une petite bombe qu’ils ne tardent pas à dégoupiller. Elle s’appelle « pièce numéro trois » et prend la forme d’un mail envoyé par « Iacub Marcela » à « Strauss-Kahn Dominique », le 26 novembre dernier, soit quelques jours avant que l’essayiste ne mette le point final à son roman.

La salle dresse l’oreille, Me Veil prend une profonde inspiration, puis, l’oeil gourmand, commence l’édifiante lecture: « Cher Dominique, après tant de mensonges et d’esclandres, je me sens obligée maintenant à (sic) te dire la vérité. Je suis une personne honnête et je me suis laissé entraîner d’une manière un peu légère dans un projet te concernant auquel je n’aurais pas dû participer. Les gens avec lesquels j’ai travaillé m’ont un peu dégoûtée après coup parce qu’ils se sont servi de moi comme d’un instrument pour te nuire. » (…)

« Mon livre sur ton affaire américaine, je l’ai écrit parce que ce sont eux qui me l’ont demandé. Le fait de chercher à te rencontrer était parti du même projet. Il m’a fallu te faire croire que j’étais éprise de toi, que j’étais folle de toi. Je te demande pardon mais je sais que tu ne me pardonneras jamais. (…) Je te demande d’effacer ce mail. Je ne veux pas ajouter cet aveu aux problèmes terribles que j’ai en ce moment à cause d’eux. Ce ne sont pas des gens méchants mais un peu inconscient et fous ».

Une manipulation, un auteur qui regrette, des « vilains » non identifiés, la réalité s’avère décidément bien plus passionnante que la fiction! Me Christophe Bigot, l’avocat de Marcela Iacub et de Stock, s’enfonce sur son banc… Me Veil goûte son effet.

Puis, il reprend sa démonstration. L’avocat évoque le coup monté d’une bande organisée aux seules motivations mercantiles. Car enfin, « tout est caché dans cette affaire! Et l’argent est là, il suinte de partout! », s’emporte-t-il. « La liberté artistique n’est pas un droit à tuer, ou alors, nous basculons dans la barbarie », renchérit Me Malka, qui s’amuse à surnommer Mme Iacub « Marcela Cartland ».

A en croire le clan DSK, le livre incriminé n’a sa sa place que « dans les cabinets d’aisance où l’on doit pouvoir en faire l’usage intime de son choix. »

Les scènes sexuelles, atteinte à la vie privée? Le cas de la littérature étant scellé, vient le tour du Nouvel Observateur et de son directeur de la rédaction, Laurent Joffrin. C’est Henri Leclerc qui s’y colle. Le ton est forcément sérieux, hugolien: « La liberté de création, je l’ai déjà défendue. Oh, j’ai eu bien des déceptions, j’ai connu bien des échecs. Ce que fait le Nouvel Obs aujourd’hui, c’est ce que fait la presse de caniveau qui crache sur un homme à terre. »

Sa voix devient murmure, puis tonne, réveillant d’un coup l’auditoire: « C’est la civilisation qui est en cause! »

Accoudé sur la tablette voisine comme au rebord de la fenêtre d’une décapotable, DSK savoure, sourire aux lèvres. Il roule tout droit vers une victoire.

La tâche s’annonce en revanche bien rude pour Me Bigot et Me Leick. Pendant plus d’une heure, les deux avocats livrent bataille pour sauver les meubles. Le premier raille la grandiloquence de ses adversaires: « La société serait en danger à cause du livre de madame Iacub? C’est bien dit mais c’est grotesque. » Il revendique la démarche littéraire d’une femme blessée par la passion, qui assure ne plus se souvenir du mail envoyé à son ancien amant, fin novembre.

Les scènes sexuelles, une atteinte à la vie privée? « Mme Iacub dit elle-même qu’elles sont fausses et romancées! » Au nom du Nouvel Observateur, Me Didier Leick implore, lui, que l’on ne « tue pas le messager d’une mauvaise nouvelle. Un scoop, ça a un sens, non? Quand on est directeur de la rédaction, on n’a qu’un seul juge, les lecteurs. »

Il est 13 h 30. La présidente annonce la fin de l’audience et le début des délibérés. L’ancien ministre s’offre une sortie de star avant de retrouver le luxe douillet de Montparnasse, son nouveau fief.

Et la décision a finalement été rendue publique plus tard ce mardi soir: pas d’interdiction, mais un encart inséré dans le livre.

Levif.be avec l’Express.fr

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