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DR McClelland : « Kennedy était encore vivant »

Le Vif

Il y a 50 ans, jeune chirurgien à Dallas le 22 novembre 1963, Robert McClelland a tenté, avec ses collègues, de sauver JFK. De ses observations de l’époque, il retire la conviction qu’il y avait un second tireur. Et croit à une implication d’éléments de la CIA et du FBI.

Le Vif/L’Express : Racontez-nous ce 22 novembre 1963. Quelles émotions vous ont habité ce jour-là ?

Robert McClelland : Vous ne ressentez pas réellement d’émotions. Vous agissez, vous réagissez, concentré. J’étais au deuxième étage de l’hôpital Parkland, en train de montrer un film médical, dans une salle de conférence. On a frappé à la porte et on m’a demandé de descendre aux urgences, car le président venait d’arriver, blessé dans son convoi.

Lorsque les portes de la grande salle des urgences s’ouvrent, je vois entre 75 et 100 personnes, toutes en costume. Là, je me suis dit : « Il se passe quelque chose ». Soudainement, cette foule s’est écartée pour me laisser passer et je me suis dirigé dans le couloir qui dessert les deux salles d’opération. Madame Kennedy était assise sur une chaise pliante. Elle avait du sang sur ses vêtements. J’ai réalisé, à ce moment-là, ce qui se passait réellement. En entrant dans la salle, j’ai été horrifié par ce que j’ai vu. Le président Kennedy était allongé sur le dos sur un chariot, avec la tête en sang. Je me suis placé à la gauche du président, le Dr. Perry à sa droite. Il m’a dit : « Bob, il y a une blessure ici dans le cou (il fait le geste), juste au-dessus de l’os et tout près de la trachée ». Nous craignons que sa trachée soit atteinte mais aussi l’artère qui alimente le cerveau. Nous pratiquons une incision pour faire une trachéotomie. Le Dr Perry m’a alors demandé de me placer à l’arrière de sa tête, de me pencher afin de placer le rétracteur dans l’incision.

A ce moment-là, Kennedy était-il mort ?

Il tentait de respirer et l’électrocardiogramme montrait une excellente activité cardiaque. Il n’était pas mort. Lorsque je me suis mis derrière le chariot, c’est là que j’ai vu l’énorme blessure qu’il avait derrière la tête. Un tiers de son crâne, à l’arrière droit, était totalement ouvert. Alors que j’étais là à regarder, son cerveau a commencé à couler hors de son crâne, sur la table. J’ai dit : « Mon Dieu, avez-vous vu sa blessure à l’arrière de la tête ? » et ils ont répondu « non ». Après 4 ou 5 minutes, le Dr. Clark, notre professeur de neurologie, est entré dans la pièce et a regardé l’électrocardiogramme. Il a dit que l’activité cardiaque avait cessé. Il nous a dit : « Vous pouvez arrêter, car il est n’est plus avec nous ». C’est ainsi que le président a été déclaré mort.

Que s’est-il passé ensuite ?

Tout le monde a quitté la pièce, mais moi et le Dr. Baxter sommes restés coincés entre le chariot et le mur. C’est à ce moment-là, lorsque nous n’étions plus que tous les deux avec le corps du président, qu’un prêtre est entré. Nous avons assisté à l’extrême onction faite par le père Huber. Il a enlevé le drap de son visage, s’est penché à son oreille et lui a donné une absolution conditionnelle. Il allait se retirer lorsque Madame Kennedy est entrée. Elle a grimacé lorsqu’il lui a dit que l’absolution était conditionnelle. Mais elle n’a pas protesté. Elle est restée là un moment, puis elle a échangé les alliances : elle a passé l’alliance de son mari sur son doigt, et la sienne sur le doigt de son mari. Elle a ensuite embrassé son pied qui dépassait du drap, puis elle est sortie. Tout cela a duré à peine 15 minutes.

Avez-vous vu d’autres blessures, par devant en particulier ?

a Pas à ce moment-là. J’étais persuadé que la blessure à l’arrière de la tête était une blessure de « sortie » de la balle. Cela en avait toutes les caractéristiques. Des années après, lorsqu’on a pu visionner le film de Zapruder (NDLR : du nom du spectateur qui a filmé la scène avec sa caméra amateur), j’ai été conforté dans mon opinion. Cela ressemble beaucoup à un tir provenant de la palissade, en haut du talus, en face. Et si cela correspond bien à la blessure que j’ai vue, l’entrée de la balle a dû se faire ici (il pointe son front, vers la droite). Mais je ne l’ai pas vue. Je n’ai pas eu le temps d’inspecter cette partie-là de sa tête. C’était peut-être sous ses cheveux.

La blessure dans le dos, est-ce la deuxième balle tirée par Oswald ?

Haut dans le dos. Ce n’est qu’en visionnant le film de Zapruder, lorsqu’il a été montré au public à la fin des années 70, que mes impressions se sont confirmées. Le cortège tourne lentement dans Elm Street. A ce moment, M. et Mme Kennedy vont bien. Lorsqu’ils avancent sur Elm Street, il tient sa gorge pendant un moment. Ça, c’est la première balle. Mme Kennedy se penche vers lui comme pour lui dire « qu’est-ce qui se passe ? ». C’est alors que la tête du président explose littéralement. Sa tête est projetée vers l’arrière et vers la gauche. Des gens ont dit que c’était l’effet réactif du cerveau (« jet effect »), mais cela n’a aucun sens. Il a été touché par une balle provenant de devant lui et l’a projeté vers l’arrière. Et le trou d’entrée, peut-être dans ses cheveux, devait être assez gros.

Quelle est votre conviction ?

Je pense que la première balle provient du cinquième étage du Dépôt de livres scolaires, du premier tireur (NDLR : Lee Harvey Oswald). Cette balle l’a probablement touché dans le haut du dos et la blessure à sa gorge était sûrement la blessure de sortie de la balle. Quelques secondes après, une balle venant de la palissade l’a touché à la tête. J’ai connu un témoin oculaire qui a vu un homme avec un fusil au-dessus de la palissade.

Que pensez-vous de la version officielle de la Commission Warren ?

Ses conclusions sont fausses. Pourquoi ? Je ne sais pas. La plupart des gens pensent qu’il y a eu un complot et plus qu’un seul tireur. En 1976, le Comité de la Chambre des représentants a été constitué et sa conclusion, en 1979, a été qu’il y avait eu « vraisemblablement » un deuxième tireur. Donc, un complot. Mais les détails ne seront communiqués qu’en 2029, cinquante ans après. Pourquoi ? Parce que des gens impliqués, encore vivants aujourd’hui, seront morts en 2029 ?

Quelle est votre opinion personnelle ?

D’après moi, l’ordre de l’assassinat est venu du plus haut niveau de notre gouvernement. Comme beaucoup de livres le disent, des éléments de la CIA et du FBI sont impliqués. Un jour, un colonel de la Marine britannique est venu me voir. Il m’a dit qu’il avait connu Oswald sur une base de la CIA au Japon. Il y aurait été opérateur de radar. Donc il était un agent en bas de l’échelle de la CIA. Je pense qu’il était là pour focaliser l’attention et la détourner du deuxième tireur, celui de la palissade. Cela se pourrait bien que Lyndon Johnson ait eu vent du projet. Il avait beaucoup à y gagner. Ce n’est pas fou de penser qu’il puisse être impliqué. C’est juste ma théorie.

Deux jours après, vous avez également opéré Lee Harvey Oswald, après que Jack Ruby lui a tiré dessus. Quelle a été votre réaction ?

Là, je me dis « qu’est-ce qui se passe ? » C’est plus fort que la fiction ! J’arrive à l’hôpital en même temps qu’Oswald. Lorsque j’entre en salle d’opération, il est encore vivant. On aurait pu le sauver. Mais malheureusement, lorsqu’il a vu le tireur devant lui, il a eu le réflexe de se tourner. Il a pris la balle sur le côté, qui l’a traversé en touchant une grosse aorte. Cela ne l’a pas tué sur le coup. Au bout de 25 minutes, son coeur s’est arrêté. Nous avons pratiqué un massage cardiaque pendant 15 ou 20 minutes. Nous pensions qu’il allait revenir, mais non.

Propos recueillis à Dallas par Guillaume Serina (France USA Media)

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