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Donald Trump signe un décret migratoire atténué

Le Vif

Donald Trump a signé lundi un nouveau décret interdisant l’entrée aux Etats-Unis aux voyageurs de six pays musulmans, rédigé de façon à passer l’obstacle de la justice et éviter le tollé mondial de sa première tentative. Le président américain continuait parallèlement à se battre sur un autre front: l’affaire des contacts supposés entre son entourage et des responsables russes pendant la campagne présidentielle.

Après avoir accusé ce week-end Barack Obama de l’avoir placé sur écoute avant l’élection, il a demandé au Congrès d’élargir son enquête et d’intensifier la chasse aux « fuiteurs », qui font passer dans la presse des informations classées secret défense, et éventent plus généralement les secrets de la Maison Blanche.

M. Trump, invisible lundi, a signé le décret dans le Bureau ovale, et non lors d’un événement médiatisé. Il entrera en vigueur le 16 mars.

« Ce décret s’intègre dans nos efforts pour éliminer les vulnérabilités exploitées par les terroristes islamistes radicaux à des fins destructrices », a dit le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, lors d’une déclaration avec ses homologues de la Justice et de la Sécurité intérieure.

Principaux amendements par rapport au décret du 27 janvier bloqué par la justice fédérale: l’Irak ne fait plus partie des pays dont les ressortissants ne pourront plus entrer aux Etats-Unis, et les détenteurs de « cartes vertes » et de visas sont explicitement protégés.

La suspension de l’accueil des réfugiés est décrétée pour 120 jours, comme auparavant. Les réfugiés syriens, qui étaient bannis sine die, sont également bloqués pour 120 jours. Ceux dont le voyage aux Etats-Unis était déjà planifié pourront toutefois venir.

L’action présidentielle est le prélude à la mise en place d’une politique de « vérification extrême » aux frontières afin d’empêcher des infiltrations jihadistes.

L’administration a justifié l’urgence de ces mesures en affirmant qu’environ 300 personnes entrées comme réfugiés faisaient actuellement l’objet d’une enquête antiterroriste du FBI.

Retour au tribunal

Donald Trump avait été accusé de discrimination envers les musulmans, potentiellement anticonstitutionnelle, lors du premier décret, qui a été suspendu par un juge le 3 février, et finalement révoqué par lui lundi.

La nouvelle version est présentée comme plus solide juridiquement, fondée sur les pouvoirs exécutifs du président pour protéger la nation et appliquer les lois migratoires.

Les six pays de la liste d’interdiction, pour 90 jours, sont les trois de la liste du département d’Etat des pays « soutenant le terrorisme » (Iran, Syrie, Soudan), ainsi que trois « Etats en faillite » (Libye, Somalie, Yémen), où vérifier les antécédents des demandeurs s’avère impossible, selon l’administration.

La réécriture a satisfait la majorité républicaine, dont beaucoup s’étaient désolidarisés du gouvernement.

« Ce nouveau décret promeut notre objectif commun de protéger le pays », s’est félicité Paul Ryan, président de la Chambre des représentants.

Mais les opposants de la première heure ont dénoncé un texte à peine édulcoré, toujours discriminatoire.

La grande ONG de défense des droits civiques ACLU a promis de le contester, tweetant: « Rendez-vous au tribunal ».

« Je suis sûr que ce décret fera face aux mêmes obstacles dans les tribunaux que le précédent », a déclaré le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.

Pour Bernie Sanders, arguant que la seule nationalité ne permettait pas de juger de la dangerosité d’un individu, la directive « raciste » sera en outre inefficace.

Un rapport du département de la Sécurité intérieure, apparu dans la presse, a d’ailleurs conclu que les radicalisations intervenaient plusieurs années après l’arrivée aux Etats-Unis.

‘Pas de chaos’

L’Irak est exempté car son gouvernement aurait accepté de fournir des informations supplémentaires sur ses citoyens demandant des visas. Bagdad avait protesté d’être mis au ban, et s’est félicité du revirement.

Avec déclarations des ministres, briefing de la presse, documents explicatifs et date d’entrée en vigueur dix jours plus tard, l’exécutif a pris ses précautions pour éviter les scènes de confusion vues dans les aéroports fin janvier, quand le décret avait été appliqué sans consignes ni avertissement.

« Il n’y aura pas de chaos dans les aéroports », a expliqué un haut responsable du ministère de la Sécurité intérieure.

« Si vous avez un visa valide, vous n’aurez pas de problème », a assuré un haut responsable du département d’Etat.

Les dates clés du décret migratoire de Donald Trump

Le président américain Donald Trump a signé lundi un nouveau décret migratoire après la suspension judiciaire d’une première mouture qui avait provoqué une grande vague de contestation dans le monde et de nombreuses situations d’incertitude.

Voici les principales dates de la bataille judiciaire et politique autour d’une mesure-phare du début de mandat du républicain.

Promulgation

Le 27 janvier, Donald Trump signe devant les caméras un décret de « Protection de la nation contre l’entrée aux Etats-unis de terroristes étrangers ».

Ce décret bloque l’entrée aux Etats-unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane pour trois mois (Iran, Irak, Syrie, Soudan, Libye, Somalie, Yémen) et de tous les réfugiés pour quatre mois. Il n’y a pas de limite de temps pour les Syriens, dont l’entrée est bloquée indéfiniment.

Confusion dans les aéroports

L’entrée en vigueur du décret, le 27 janvier au soir, sème la confusion dans les aéroports où des centaines de passagers sont empêchés d’embarquer vers les Etats-unis ou sont retenus par les services américains de l’immigration.

Des manifestations de soutien, notamment à l’aéroport JFK de New York, mobilisent des milliers de personnes.

Premier recours en justice

Le 28 janvier, plusieurs associations américaines de défense des droits civiques, dont la puissante Aclu, attaquent le décret en justice et obtiennent d’un juge fédéral de New York qu’il empêche l’expulsion des personnes interpellées en vertu de ce décret.

Suspension par un juge fédéral

Le 3 février, James Robart, un juge fédéral de Seattle (Etat de Washington, nord-ouest) émet une injonction temporaire qui bloque l’application du décret sur l’ensemble du territoire américain.

Les ressortissants des sept pays visés et les réfugiés munis d’un visa en règle peuvent de nouveau entrer aux Etats-unis.

Rejet du recours du gouvernement

Le 5 février, la cour d’appel fédérale de San Francisco rejette l’appel de l’administration Trump et refuse de rétablir immédiatement l’application du décret migratoire.

Audience de la Cour d’appel

Le 7 février, la cour d’appel fédérale de San Francisco examine sur le fond le recours du président Trump contre la suspension de son décret.

Les avocats de l’administration Trump estiment que le décret contre l’immigration est un « exercice légal de l’autorité du Président ».

Suspension maintenue

Le 9 février, la cour d’appel de San Francisco maintient la suspension du décret migratoire.

« Rendez-vous au tribunal, la sécurité de notre nation est en jeu », avait alors réagi Donald Trump sur Twitter.

Nouvelle version

Le 6 mars, Donald Trump signe une nouvelle version de son décret, qui n’entrera en vigueur que le 16 mars.

Cette fois, l’Irak ne fait plus partie des pays frappés d’une interdiction temporaire d’entrée aux Etats-Unis. En restent six: le Soudan, la Syrie, l’Iran, la Libye, la Somalie et le Yémen. Certains termes d’application qui avaient créé la confusion lors de la première adoption, comme le statut des détenteurs de la célèbre carte verte ou les bi-nationaux, sont clarifiés.

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