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Donald Trump, seul avec son clan

Le Vif

Malmené dès son arrivée au pouvoir, Trump s’appuie plus que jamais sur sa fille Ivanka et son gendre, Jared Kushner. Et bientôt son épouse ?

Un autre aurait été viré séance tenante. Mais, dans l’avion qui l’amène à Paris, le 13 juillet dernier, Donald Trump senior prend fait et cause pour son fils :  » It’s a good kid  » ( » C’est un bon garçon « ). Donald Trump junior, le  » bon gamin  » âgé de 39 ans, vient pourtant de commettre une bourde majeure. Il a publié une série d’e-mails que le New York Times s’apprêtait à révéler et qui prouvent sa rencontre avec une avocate proche du Kremlin, l’été dernier, en pleine campagne électorale. Ce rendez-vous semble confirmer l’hypothèse selon laquelle des membres de l’équipe de Trump souhaitaient collaborer avec le gouvernement russe afin de faire élire leur candidat. Une pépite pour le procureur spécial Robert Mueller, qui enquête dans l’ombre. Le président ne se laisse pas impressionner et défend son  » bon garçon « , affirmant que n’importe qui d’autre aurait accepté d’assister à une telle rencontre. Dans l’adversité, la famille resserre les rangs.

Donald Trump dirige la Maison-Blanche comme il a géré ses entreprises : en s’appuyant sur un tout petit groupe de fidèles, et d’abord sur ses propres enfants. Un clan uni par une loyauté sans faille et une méfiance du monde extérieur proche de la paranoïa.

Dans ce cercle, personne ne joue un rôle plus important que le couple Ivanka Trump-Jared Kushner. Agée de 35 ans, elle a toujours été la préférée de son père ; alors que ses frères sont restés à New York pour s’occuper du business, la jeune femme et son époux ont été nommés conseillers du président. Ils ont chacun un bureau et celui d’Ivanka est tout blanc, dans la West Wing, à quelques mètres du bureau Ovale. Son champ d’action officiel, le congé maternité et l’aide aux familles, ressemble à celui d’une First Lady – elle est d’ailleurs en train de lire les mémoires d’Eleanor Roosevelt. Mais Ivanka est beaucoup plus influente que cela. Derrière son joli sourire, sa silhouette de grande fille sage et sa voix doucereuse, c’est une femme de fer. Quand il est question de l’organisation interne de la Maison-Blanche, c’est elle qui a l’oreille du président. La preuve ? Elle a obtenu le départ du porte-parole, Sean Spicer, et du directeur de cabinet, Reince Priebus, avec lesquels elle était en conflit depuis des mois.

Une famille loyale et soudée par une méfiance du monde extérieur proche de la paranoïa

De fait, Ivanka tient plus que tout à sa proximité avec le président, quitte à accepter des compromis. Sur le réchauffement climatique, elle était réputée être la plus favorable à l’accord de Paris. Donald Trump a renié l’accord, Ivanka n’a pas bronché. Elle se veut aussi la porte-parole de la communauté LGBT, au point de tweeter, le 1er juin dernier :  » Je suis fière de soutenir la communauté LGBTQ américaine.  » Six semaines plus tard, son père décidait d’exclure les transgenres de l’armée américaine. Là encore, elle n’a pas protesté, tout en laissant dire qu’elle n’était pour rien dans cette décision.

Très prolixe, comme son mari, en  » confidences anonymes « , Ivanka entretient l’image complexe d’une femme influente et impuissante à la fois. Fidèle au chef du clan, elle semble néanmoins désireuse de garder le contact avec les milieux démocrates, dont elle a longtemps été proche. Le jour de la nomination du nouveau directeur de cabinet, le général John Kelly, elle tweete, avec une ambiguïté calculée :  » Je me réjouis de travailler aux côtés du général Kelly.  » La Maison-Blanche venait tout juste de préciser que celui-ci aurait autorité sur tous (bien lire  » tous « ) les conseillers ! Primus inter pares, elle révèle ainsi sa vraie nature, héritée de son père et de son grand-père. Ne jamais rien lâcher et viser toujours la première place.

Si Donald junior et Eric Trump sont restés à New York, c'est pour gérer le business familial.
Si Donald junior et Eric Trump sont restés à New York, c’est pour gérer le business familial.© C. Barria/REUTERS

Le cas de son mari est plus complexe. A 36 ans, Jared Kushner ne s’est jamais remis de voir son père, promoteur immobilier, jeté en prison, en 2004, pour avoir conduit ses affaires de manière douteuse. Il a repris le business familial avec la certitude que son père avait été condamné à tort. Une mentalité d’assiégé qu’il retrouve tout naturellement auprès de Donald Trump. Voyant en lui le fils brillant qu’il n’a pas vraiment eu, le président le nomme dès son arrivée conseiller spécial et lui confie les dossiers les plus complexes : Chine, Mexique, Irak, crise des opioïdes, fonctionnement de l’Etat et, last but not least, la paix au Proche-Orient. C’est beaucoup pour ce jeune homme sans expérience politique. Pourtant, il donne l’impression de tenir le choc et paraît d’autant plus fort qu’il est silencieux : il a fallu attendre des mois pour entendre sa voix. Aujourd’hui, le voici rattrapé à son tour par l’affaire russe, car il a commis de lourdes erreurs. Non seulement il a rencontré à plusieurs reprises, pendant la campagne, des représentants directs ou indirects du gouvernement russe, mais il a  » oublié  » de rapporter ces discussions au Secret Service.

Le petit prince sera-t-il déchu ? Jared Kushner est, à ce jour, la personne la plus proche du président soupçonnée de collusion avec Moscou. Comment peut-il, dans ces conditions, continuer à remplir ses multiples missions ? Le jour où des heurts opposaient l’armée israélienne et des manifestants palestiniens sur l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, le conseiller Kushner, chargé du dossier israélo-palestinien, était entendu par une commission du Congrès sur ses relations avec la Russie ! N’importe quel autre conseiller extérieur à la famille aurait été limogé. Mais Donald Trump protège toujours les siens, même s’ils constituent une menace grandissante pour lui.

Quant à Melania, la mystérieuse troisième épouse du milliardaire, elle a fini par quitter New York en juin et rejoindre son mari à Washington, avec leur fils, Barron, âgé de 11 ans. Mais elle garde ses distances avec le tumulte, et parfois avec Donald luimême : on l’a vue refuser de lui prendre la main. Le président jouera-t-il un jour la carte de son épouse ? Elle est de loin la plus populaire de la famille. L’écrivaine Peggy Noonan écrit d’elle dans le Wall Street Journal :  » Melania est plus forte que lui, par son stoïcisme, sa grâce, son autodiscipline et son désir d’obtenir le respect du monde en se comportant avec dignité.  » Tout le contraire de son mari.

Par Jean-Bernard Cadier.

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