Renaud Duquesne

Donald Trump président: Et alors ?

Renaud Duquesne Avocat à Marche-en-Famenne

Les élections aux Etats Unis d’Amérique ont accouché d’une surprise de taille en ce qu’elles ont désigné comme Président Donald Trump. Le Paria, l’homme de toutes les audaces et outrances. L’Europe se réveille groggy et dans un ensemble quasi parfait crie au scandale, même si la real politique a déjà poussé de nombreux dirigeants européens à revoir leurs discours à l’emporte pièces vis-à-vis de Donald Trump et à tendre la main à ce président bien élu.

A bien y regarder, avons-nous raison, nous Européens, de rejeter avec perte et fracas ce président ? N’y a-t-il pas dans notre chef une méconnaissance des mécanismes qui ont poussé le peuple américain à élire ce président atypique qui a brisé de nombreux codes de campagne et a dit souvent tout haut ce que pensaient tout bas le peuple ?

Les USA sont une grande démocratie. L’acte fondateur de l’union est la déclaration d’indépendance rédigée à l’époque en résistance à l’ingérence du Royaume-Uni. Elle met en exergue, sans contestation possible, comme fondement de la nation, les valeurs de la république. C’est l’élection qui doit consacrer l’exercice du pouvoir.

Ne ressort-il pas de ces dernières années que le pouvoir se transmettait de père en fils (Bush) ou de mari à femme (Clinton) ? On peut encore citer dans un passé plus lointain la dynastie Kennedy. L’électeur n’a-t-il pas voulu sanctionner l’institutionnalisation d’une monarchie dynastique au préjudice des valeurs républicaines ancrées dans leur Constitution auxquelles ils sont extrêmement attachés ?

Washington apparait être une forteresse imprenable, coupée du monde réel, gouvernée par des élites qui sont à cent lieux des préoccupations et des souffrances du peuple d’en bas

Le corollaire de cette sanction est que cette caste de politiciens est coupée, comme le roi en son château, de la réalité de la vie de ses concitoyens. Washington apparait être une forteresse imprenable, coupée du monde réel, gouvernée par des élites qui sont à cent lieux des préoccupations et des souffrances du peuple d’en bas.

On ne peut se faire élire sur des promesses qui ne seront pas tenues au simple motif que ce qui prime est la conquête du pouvoir et la protection d’intérêts particuliers. En un mot, gouverner quand on est élu, c’est gouverner pour tous, même si tout le monde n’a pas voté pour vous. C’est une évidence que le peuple américain a voulu rappeler à ces amnésiques additifs de l’exercice du pouvoir.

Le hiatus est fameux entre les soutiens européens d’Hillary Clinton et ceux de Donald Trump. Ce dernier a été bien élu et sans contestations possibles au regard des critères fondant le fonctionnement des élections américaines (principe des grands électeurs). Il n’est pas un président élu au rabais. Il a été légitimé. On peut ne pas l’aimer, mais on doit respecter le choix démocratique qui a été posé.

A défaut nous deviendrons de vilains impérialistes, ce que beaucoup par le passé en Europe ont reproché aux USA. Donald Trump devra donc être maintenant jugé sur ses actes et ses promesses et il appartiendra à l’opposition d’être vigilante et de proposer un projet alternatif cohérent, à l’écoute de tous et novateur. Cela s’appelle l’équilibre des pouvoirs.

A y regarder de plus près, ce hiatus contient en lui les germes d’une idée intéressante qui pourrait se développer en Europe mais aussi en notre pays, la Belgique. Force est de reconnaitre que Donald Trump n’est pas un homme qui a été nourri avec un biberon rempli d’un breuvage constitué d’humanisme, d’égalité, d’universalisme, de valeurs et d’éthique.

Cette grande critique européenne à l’égard de Trump ne porte-t-elle pas en elle ce nouveau clivage dont ont tant besoin nos démocraties vieillissantes entre les progressistes et les conservateurs ? Le débat gauche -droite tel que nous le concevons a-t-il encore toute sa raison d’être ? Ne serait-il pas temps un de ces jours de penser à une recomposition du paysage politique ? Les conservateurs et les humanistes se trouvent dans tous les partis démocratiques. Ils devraient se fédérer, le discours politique en serait plus cohérent et les choix offerts en seraient plus marqués et clairs.

Trump a parlé le langage des gens de la rue. Celui du café du commerce. Qui n’a jamais entendu de tels propos ? Personne. Les électeurs se sont reconnus en lui.

Nombre des outrances de Trump sont critiquables, choquantes et détestables. Cela ne l’a pas empêché d’être élu. Bizarre ? Non, pas tant que cela. Il a parlé le langage des gens de la rue. Celui du café du commerce. Qui n’a jamais entendu de tels propos ? Personne. Les électeurs se sont reconnus en lui. Il parle comme nous et n’a pas peur de dire ce qu’il pense.

Fort heureusement, tout le monde ne pense pas comme lui. En tout individu, il y a une part d’ombre et de lumière. Trump a joué sur les peurs. C’était facile, vu l’échec des politiques menées précédemment. C’est l’économie qui mène le monde. Le politique doit se réapproprier le pouvoir de décider, de gouverner dans le sens de l’intérêt commun et pas seulement pour quelques-uns.

Il faut réveiller la lumière qui sommeille en nous. Cela doit passer par un discours des valeurs, de la bonne gouvernance, de l’éthique. On a perdu de vue ces principes fondateurs et on ne prête plus attention qu’a l’arithmétique économique, froide et implacable. Nous avons besoin comme de pain d’hommes et de femmes ayant un idéal, du courage et la passion d’aimer les gens.

Je ne vous ai pas dit où allait ma préférence entre Donald Trump et Hillary Clinton. Ce n’est pas là l’important. L’important, c’est que l’élection de l’un est la conséquence de la non élection de l’autre. Ce qui m’attriste le plus, c’est que ceux et celles qui rejettent les idées fétides de Trump ne seront pas forcément réconfortés par ceux qui sont censés les représenter. Il est grand temps de se réveiller, non pas en s’indignant seulement, mais aussi en agissant.

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