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Dompter la Corée du Nord, une bataille perdue d’avance?

Le Vif

Le quatrième essai nucléaire de la Corée du Nord pose un défi considérable à la communauté internationale: si elle a accueilli l’annonce de Pyongyang par un concert de réprobations, elle aura beaucoup de mal, d’après les analystes, à réagir de manière efficace et concertée.

Les condamnations de la revendication par Pyongyang mercredi d’un essai réussi de bombe à hydrogène furent rapides, et universelles. Mais transformer l’indignation en autant de mesures concrètes soutenues universellement sera une autre affaire.

Le Conseil de sécurité de l’ONU prévoit d’alourdir la panoplie de sanctions imposées à Pyongyang après ses précédents essais (2006, 2009 et 2013) par des « mesures supplémentaires significatives ». Toutefois, leur contenu exact ne semble guère faire consensus.

L’essai de mercredi prouve en tout cas l’inefficacité des sanctions existantes. Le coeur du problème est de savoir s’il faut les aggraver, dialoguer ou faire les deux. Washington et son allié sud-coréen ont pour ligne de conduite qu’il ne faut pas « récompenser les mauvais comportements ». Pyongyang doit faire un pas tangible envers la dénucléarisation avant que de véritables pourparlers ne puissent s’engager. Cette condition préalable est perçue par beaucoup comme complètement irréaliste.

Sanctions inefficaces

« Les seules sanctions ne marchent tout simplement pas », dit Joe Cirincione, expert en non-prolifération de la fondation Ploughshares. « Il doit y avoir une possibilité de dialogue, même si c’est difficile à avaler », juge-t-il, estimant que la stratégie américaine actuelle revient à espérer qu’ignorer la Corée du Nord fera disparaître le problème. « Mais la Corée du Nord, c’est comme le personnage de Glenn Close dans (le film) « Fatal attraction ». On ne peut pas l’ignorer ». Les spécialistes ont les plus grands doutes sur le fait que l’engin utilisé mercredi était, comme le prétend Pyongyang, une bombe H perfectionnée. L’énergie dégagée n’était pas assez forte, disent-ils. Ils penchent plutôt pour l’hypothèse d’une bombe à fission dopée, plus puissante que la bombe atomique ordinaire à fission. La bombe H ou thermonucléaire est, elle, à deux étapes, utilisant d’abord la fission puis la fusion nucléaire dans une réaction en chaîne.

Mais peu importe la bombe, le message est le même: quel que soit le coût imposé par la communauté internationale, la Corée du Nord est déterminée à aller de l’avant dans la voie des armes nucléaires. « Réussir à développer des engins thermonucléaires simples n’est probablement qu’une question de temps, et d’un petit nombre de tests supplémentaires », estime David Albright, président de l’Institut des sciences et de la sécurité internationale de Washington.

« La priorité, c’est de trouver le moyen à la fois d’augmenter les pressions sur la Corée du Nord pour qu’elle limite ses capacités d’armements nucléaires et de nouer le contact diplomatique ». Il est possible d’alourdir les pressions en imposant le type de sanctions économiques qui avaient contribué à faire venir l’Iran à la table des négociations pour discuter de son programme nucléaire.

« L’inaction plus risquée que l’action »

Mais si elles sont efficaces, elles porteraient atteinte aux entreprises et institutions financières chinoises qui représentent la part du lion dans les échanges extérieurs nord-coréens.

La Chine devrait être très réticente envers ce type de mesures et Washington ne devrait pas s’empresser de peser sur Pékin à un moment où les relations bilatérales sont délicates. Les Etats-Unis auront en outre fort à faire pour parvenir à un consensus intérieur tant le sujet Corée du Nord est sensible dans la campagne électorale en cours.

Les républicains américains ont présenté ce quatrième essai nucléaire comme le dernier échec en date de la politique extérieure du président Barack Obama. Il faudra bien du courage aux candidats à la présidence pour prôner le dialogue avec Pyongyang comme moyen d’avancer. Il est improbable que la Chine soutienne toute mesure qui pourrait déstabiliser le régime de Kim Jong-Un en profondeur: Pékin ne souhaite pas à sa frontière une Corée réunifiée soutenue par Washington.

« Quel que soit le langage de fermeté employé par la Chine pour critiquer le Nord, elle ne se joindra pas à des sanctions (…) qui auraient un vrai impact sur le régime », dit Chun Young-Woo, ancien conseiller sud-coréen à la sécurité nationale. « Et la Corée du Nord le sait ». Si la Chine ne veut pas réellement punir Pyongyang et si Washington refuse toujours d’ouvrir le dialogue, il semble difficile d’imaginer une politique nouvelle face à la dernière « provocation » nord-coréenne.

Pour M. Cirincione cependant, le choc suscité par l’annonce d’un essai de bombe H, qu’il s’agisse ou non de bluff, pourrait peut-être convaincre Pékin comme Washington de changer leur fusil d’épaule. « C’est un risque. Il n’y a aucune garantie que les négociations marchent. Mais rien d’autre n’a marché. Il semblerait que l’inaction soit plus risquée que l’action ».

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