© capture d'écran Twitter

Doit-on parler de miracle devant le succès inattendu des tweets en latin du pape François?

Le Vif

Les tweets du pape en latin sont pour le Vatican un succès aussi intrigant qu’inattendu: deux ans après leur lancement, ils sont suivis par près de 205.000 « followers », soit plus que les tweets en allemand ou en arabe.

Deux mois après que Benoît XVI eut ouvert son compte Twitter, certains passionnés avaient obtenu qu’il soit aussi en latin, langue bien aimée du pape allemand, sans trop croire à un succès. Ils misaient sur 2.000 ou 5.000 followers. Ils ont assisté à une explosion. Le père américain Daniel Gallagher, membre du bureau de la Secrétairerie d’Etat en charge de la rédaction des tweets en latin, raconte à l’AFP comment ils ont planché pour traduire les quelque 250 tweets écrits jusqu’à présent par Benoît, puis François.

Le latin est bien adapté au message direct et profond de François, mais ce dernier est « difficile à traduire, son style est si informel, un langage courant ». Par exemple « quand il s’est agi de traduire

son expression +têtes grincheuses+ (pour certains religieux), on a traduit par « vultu truci » en puisant dans les expressions de l’auteur truculent romain Plaute (254-184 avant JC). Finalement, « la

concision du vocabulaire n’est jamais un problème en latin! « 

Les nouveaux mots d’internet nécessitent parfois des traductions d’équilibristes: « bienvenue sur la page officielle twitter du pape François » se traduit ainsi par « Tuus adventus in paginam Papae

Francisci breviloquentis optatissimus est ». « Nous tentons de ne pas trop nous éloigner de la langue de Cicéron! Si nous lui montrions notre traduction, nous voudrions qu’il ait au moins une vague idée du sens… », note le religieux avec humour.

Selon le père Gallagher, plusieurs raisons se conjuguent pour le succès des tweets du pape en latin, et les publics ne sont pas seulement ceux auxquels on s’attend. Le latin est d’abord « un langage international, une manière transnationale de communiquer ». Pour beaucoup de ses fans, il « transmet tant de vertu et de noblesse d’expression ». « La capacité du latin de

communiquer par delà les siècles », notamment dans l’histoire de l’Eglise, fascine aussi les clercs notamment, note le père Gallagher.

Les Allemands sont particulièrement nombreux, « presque autant d’Allemands suivant le pape en latin qu’en allemand ». Viennent ensuite les Anglais -Oxford et Cambridge par exemple– et

les Américains. Mais des followers se trouvent en Chine, en Inde, en Afrique, dans le monde entier…

Les adeptes sont loin d’être tous des religieux ou des pratiquants. « Nous avons toutes raisons de penser que beaucoup sont jeunes étudiants, de l’université, du lycée, même plus jeunes ». Les tweets sont alors utilisés comme exercice à la maison: « plus ça fait travailler dur, plus c’est excitant. C’est quelque chose d’amusant, un défi,

qui illumine l’esprit et est gratifiant ». Il y a même des maîtres dans les écoles qui utilisent les tweets du pape, assure le prêtre américain.

D’autres followers sont avocats, journalistes, universitaires etc, nostalgiques, qui ont étudié le latin dans leur jeunesse, et « peuvent faire ainsi un exercice par jour en traduisant François ».

Certains sont même si passionnés qu’ils répondent aux tweets du pape en donnant leur propre version en latin.

Une forme d’élitisme un peu ésotérique est une raison du succès, selon ce fin observateur, car le latin reste associé aux idées de l’élite et du mystère: « ça semble paradoxal mais certains suivent le pape en latin parce que c’est un moyen de créer un groupe d’initiés. Ils sont contents d’appartenir à une communauté insolite, avec un code. Si vous êtes capables de traduire, vous êtes acceptés dans le club », relève le père Gallagher. « Ce que l’on croit très nouveau ne l’est pas », relève-t-il: « les épigrammes satiriques de Martial (40-104 après JC) auraient pu déjà être des tweets. Par leur brièveté, leur concision, leur honnêteté, l’humour, la franchise » quand ils épinglaient la débauche sous l’Empire.

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