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Diviser pour mieux régner, ou comment Trump tente d’affaiblir les médias

Le Vif

En jouant au jeu du « toi oui, toi non », Trump tente d’ostraciser certains médias pour mieux manipuler les autres.

Sa première conférence de presse, qui était une attaque en règle de Buzzfeed et CNN suite aux « révélations non vérifiées sur ses relations avec le gouvernement russe », est une parfaite illustration de la méthode du futur président des États-Unis qui vise à exploiter les angoisses des journalistes américains pour émousser leurs ardeurs.

Lors de sa première conférence de presse depuis son élection, Donald Trump s’est donc, une fois de plus, allègrement pris à ce qu’il appelle les médias de « gauches américains ». L’une de ses cibles préférées. Des médias pourtant généralistes et respectés comme le New York Times ou CNN. Des médias qui ont cependant perdu beaucoup de la confiance des Américains suite à une campagne des conservateurs américains pour les discréditer en les accusant d’être biaisés. Une fragilité qui les a rendus prudents et les pousse à prendre promptement leur distance avec des médias moins prestigieux tels Buzzfeed.

Trump le sait et a su habilement jouer sur cette corde pour le moins sensible en tenant à féliciter les journalistes présents dans la salle lors de cette première conférence de presse. Soit ceux appartenant aux médias qui eux n’avaient pas publié le contenu du dossier. Dans la foulée, Trump a promptement torpillé les documents qualifiés de « fake news », avant de traiter BuzzFeed de « tas d’ordures raté » qui « va subir des conséquences » et de qualifier le reportage de CNN d’ « une honte » pour laquelle la chaîne « devrait présenter ses excuses ».

En clouant au pilori Buzzfeed et CNN, dont il jugeait le traitement sur ce même dossier inacceptable, il a jeté l’opprobre sur ces deux médias, tant et si bien que leurs confrères leur ont massivement tourné le dos. Pour preuve lorsque Jim Acosta de CNN pose une question, voici la réaction de Trump et du reste de l’assistance.

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Or, lorsqu’un journaliste se fait snober lors d’une conférence de presse, il n’est pas rare que la question soit reprise par un confrère d’un autre média. Mais ici, rien. Tous les autres journalistes présents semblent accepter l’exclusion de CNN. Le porte-parole de Trump ira même jusqu’à menacer le journaliste de l’exclure de la conférence de presse s’il avait le mauvais goût de persister. Avec un message clair. Si, par malheur, on offense le président avec son travail, on perd le droit de lui poser des questions.

À la sortie de la conférence, la chaîne CNN a tout de même tenté de réagir. Mais de façon quelque peu étrange. Jake Tapper, pourtant journaliste à CNN et coauteur du reportage mis en cause par le président, ira jusqu’à dire qu’il « peut comprendre pourquoi le président élu Trump pourrait être fâché contre BuzzFeed. À sa place je serais fâché moi aussi. » CNN a également publié un communiqué officiel qui disait ceci : « La décision de CNN de publier des informations attentivement vérifiées sur les opérations de notre gouvernement est très différente de la décision de BuzzFeed de publier des mémos non corroborés. L’équipe de Trump sait cela. Elle utilise BuzzFeed pour donner une fausse image des informations données par CNN, qui correspondent à celles publiées par d’autres grands organes de presse. »

Comme le fait remarquer le site Slate.fr, ce qui est surtout gênant dans cette tentative de dédouanement de CNN, au-delà des intimidations explicites de l’équipe de Trump, est « de voir un organe de presse réagir à des intimidations à son encontre par un responsable politique non en condamnant les intimidants, mais en les détournant sur un autre organe de presse. La chaîne n’a-t-elle pas voulu comprendre que les deux publications se renforçaient mutuellement ? ».

Trump tente depuis le début de sa campagne de transformer les médias en animal de foire pour mieux se moquer d’eux. Aujourd’hui, selon Slate, il propose à certains médias d’être au-dessus de la mêlée à condition « qu’ils se retournent alors pour humilier avec lui ceux qu’il (Trump) aura laissés dans la cage ».

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