Gui Minhai © Capture d'écran YouTube

Disparus de Hong Kong : le très étrange aveu télévisé (vidéo)

Le Vif

« Ecran de fumée » pour les uns, aveux sans valeur pour les autres: des défenseurs des droits de l’Homme ont dénoncé lundi la sidérante confession filmée en Chine d’un libraire de Hong Kong disparu depuis plusieurs mois.

Gui Minhai, qui a aussi la nationalité suédoise, est le copropriétaire de la maison d’édition Mighty Current, connue pour publier des ouvrages peu amènes envers le gouvernement chinois. Parti en voyage en Thaïlande en octobre, il n’est jamais rentré et est un des cinq employés de Mighty Current qui, désormais, manquent à l’appel, alors qu’à Hong Kong, ces disparitions renforcent le sentiment que Pékin est en train de durcir sa mainmise sur l’ex-colonie britannique. Dans son interview sur la chaîne officielle CCTV, filmée dans un centre de détention et diffusée dimanche, Gui a raconté être allé en Chine pour y assumer ses « responsabilités légales », 11 ans après y avoir tué un étudiant dans un accident de voiture alors qu’il était ivre.

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En larmes, il a affirmé qu’il avait alors fui la Chine après sa condamnation et s’est dit « prêt à accepter tout châtiment ». « Du point de vue légal, cette vidéo ne vaut rien », a déclaré à l’AFP Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International. « Où est-il? Dans quel cadre légal est-il détenu? Dans quelles conditions a-t-il donné cette interview? Nous ne pouvons pas exclure un témoignage recueilli sous la contrainte », a-t-il dit.

De nombreuses voix s’élèvent à Hong Kong pour accuser Pékin de piétiner le principe du « un pays, deux systèmes » institué avant la rétrocession en 1997. Il avait alors été convenu que l’ex-colonie britannique conserve son mode de vie et ses libertés pendant 50 ans.

Stockholm ‘préoccupé’

Mais en dépit de l’émotion suscitée par les disparitions, le chef de l’exécutif hongkongais a évité le sujet. « Le cas de Gui Minhai n’a été signalé ni à la police de Hong Kong, ni au gouvernement de Hong Kong », a-t-il dit lors d’une conférence financière à Hong Kong. Le vice-ministre suédois des Finances, Per Bolund, également présent à cette conférence, a indiqué que Stockholm était « préoccupé par l’affaire », et demandé davantage de transparence des autorités chinoises, selon le South China Morning Post. Le consulat de Suède à Hong Kong s’est refusé à tout commentaire. Dans la vidéo, Gui Minhai appelait dimanche la Suède à ne pas intervenir. « Bien que j’aie la nationalité suédoise, au fond je me sens profondément chinois », déclare-t-il à la télévision d’Etat. « J’espère que les autorités suédoises respecteront mes choix, mes droits et ma vie privée, et me laisseront m’occuper de mes affaires ». Des cinq disparitions, c’est la dernière, celle de Lee Bo, qui a le plus choqué la population hongkongaise car ce dernier s’est volatilisé alors qu’il se trouvait encore à Hong Kong. Or les services de sécurité chinois n’ont pas le droit d’intervenir dans la région semi-autonome.

Pour le député prodémocratie Lee Cheuk-yan, Pékin tente au travers de la « confession » de Gui Minhai de « masquer le fait que la raison de sa détention est la librairie ». « L’accident de voiture n’a rien à voir avec ça », a déclaré l’élu, en qualifiant la vidéo d' »écran de fumée ». « Rien dans cette vidéo n’explique comment il s’est retrouvé en Chine. » Le site de la chaîne CCTV a de son côté diffusé un bulletin d’information de 2005 qui affirmait qu’un certain Gui Minhai avait écopé de deux ans de prison avec sursis pour avoir tué un étudiant de 23 ans dans la ville de Ningbo, dans l’est de la Chine.

Or CCTV rapportait que Gui avait 46 ans en 2005, alors que l’agence Chine nouvelle a indiqué dimanche qu’il avait aujourd’hui 51 ans. Nicholas Bequelin a ironisé dans un tweet sur l’interview télévisée, « un scénario très sophistiqué, et un mélange habile de vérités, demi-vérités et de mensonges absolus ».

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