Thierry Fiorilli

Diriger un pays comme une entreprise sera-t-il le futur modèle de gouvernance ?

Thierry Fiorilli Journaliste

Avant Berlusconi, maintenant Trump et Macron : les personnalités issues du monde de l’entreprise vont-elles à terme supplanter les formations politiques qui occupent le pouvoir depuis toujours ?

Dans les années 1990, en Italie, les enquêtes judiciaires contre la corruption généralisée enterraient la plupart des maîtres de la scène politique nationale. L’opération Mani pulite (mains propres), couplée aux révélations sur les liens supposés mafieux de certains dirigeants, provoquait la chute de monuments tels que Bettino Craxi, Giulio Andreotti, Claudio Martelli, Arnaldo Forlani ou Gianni De Michelis. Et la disparition, pure et simple, de leurs partis respectifs, tous historiques : la Démocratie chrétienne, le Parti socialiste, le Parti socialiste-démocratique, le Parti libéral. Au pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ensemble ou à tour de rôle, figures et formations jusque-là indéboulonnables étaient contraintes à faire place nette. Définitivement.

On a parlé alors d’une révolution soutenue et dopée par l’indignation de la population. Une révolution marquant la fin d’un régime. Et la naissance de ce qu’on a appelé, là-bas, la Deuxième République. Le paysage politique s’en est radicalement transformé. On a vu apparaître des dizaines de partis et de nouveaux acteurs par cohortes. Les différents scrutins qui ont suivi la tornade  » mains propres  » ont ainsi placé au pouvoir du pays, de régions et de villes, des post-néofascistes, des séparatistes lombards, des communistes, des verts, des radicaux. Et, surtout, un homme d’affaires, résolu à convaincre l’électorat qu’il saurait reconstruire et gérer le pays comme il avait réussi à bâtir puis gérer son empire industriel. Comme disent encore aujourd’hui beaucoup de citoyens italiens : on a fait dégager toute une classe d’élus et de dirigeants pourris, et on est s’est retrouvé avec Silvio Berlusconi.

L’élection présidentielle américaine, il y a bientôt un an, opposant Hillary Clinton à Donald Trump, a débouché sur un pareil résultat : la candidate incarnant  » le monde politique traditionnel  » a été battue par son improbable rival, symbolisant  » une autre façon de faire « . Un homme d’affaires, lui aussi.

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Pareil en France, au printemps dernier : effondrement des ténors et des formations qui occupaient le pouvoir depuis toujours et émergence d’un homme issu du secteur financier, Emmanuel Macron.

La Belgique francophone va-t-elle suivre l’élan ? Sa scène politique semble en tout cas s’écrouler et plusieurs de ses ténors, individus comme partis, qu’on pensait inoxydables, tombent bel et bien, l’un après l’autre. Et leurs héritiers, ayant déjà goûté ou non au pouvoir, frères et soeurs de partis ou pas, rasent désormais les murs, quasiment. Le rejet de la classe politique est tel qu’ils se retirent sur leurs terres, moins hostiles, ou s’interrogent ouvertement, dans nos colonnes : poursuivre en politique en vaut-il encore vraiment la peine ?

Le  » place aux jeunes  » lancé par Laurette Onkelinx ne trouvera pas si facilement écho.  » Place à autre chose  » aurait été plus pertinent. Mais quelle  » autre chose  » ? Des élus venant de mouvements citoyens !, rétorque-t-on. Pourquoi pas ? Sachant que, chez nous, jusqu’ici, ces mouvements-là, ces nouveaux partis sont lancés par des entrepreneurs, des managers, des businessmen convaincus qu’on peut diriger une entité, une région, un pays comme on dirige une entreprise. Le futur modèle de gouvernance ?

Pendant ce temps, en Allemagne, pays fédéral lui aussi, confronté lui aussi à la crise économique et sociale européenne, à la question des migrants, au terrorisme, à l’extrême gauche, à l’extrême droite, lui aussi habitué aux coalitions, les élections générales de ce dimanche 24 septembre vont offrir à Angela Merkel, 63 ans, parlementaire sans interruption depuis vingt-six ans, chancelière depuis douze, un quatrième mandat à la tête de son pays.

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