Devoir de précaution

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Ce devait être la « der des der ». Ce ne fut finalement que l’une des premières du XXe siècle. Ce devait être celle qui marquait la véritable fin du XIXe siècle. Et la naissance de celui de tous les progrès, toutes les justices, toutes les sagesses. Cent ans plus tard, les champs de bataille pullulent encore et toujours, se déplaçant à travers toute la planète. Et s’ingéniant à repousser les bornes de l’horreur. A déshumaniser celui qu’on s’évertue envers et contre tout à désigner comme l’homo sapiens.

Longtemps, on asséna que ce fut la victoire de l’héroïsme, du patriotisme vertueux. Or, ne s’affrontèrent, en fait, que deux conceptions comparables, somme toute, de « la grandeur de la sacro-sainte nation », à défendre coûte que coûte.

Enfin, les images collées à la Première Guerre mondiale mêlent comme deux époques radicalement différentes. D’une part, des militaires aux tenues et armements semblant remonter aux guerres napoléoniennes. De l’autre, des techniques d’anéantissement massif qui pourraient toujours être en vigueur aujourd’hui. Un conflit d’un autre âge donc. Tout en rivalisant avec ceux d’aujourd’hui.

Celle qu’on appelle « la Grande Guerre » a coûté la vie à 8,5 millions de soldats et 9 millions de civils. Les traités qui l’ont suivie, le sort réservé aux vaincus et le refus obstiné de prendre en considération ses origines (la multiplication des nationalismes dans toute l’Europe) ont accéléré l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Encore plus terrifiante que la première : 20 millions de militaires tués et 45 millions de civils. Et l’impensable, l’indicible, bel et bien érigé comme règle générale. Le « plus jamais ça » n’a accouché que du « encore plus atroce ».

Depuis, les guerres du Vietnam, de Corée, entre l’Iran et l’Irak, en ex-Yougoslavie, au Proche-Orient, en Afrique subsaharienne, en Afghanistan ou celle, toujours à l’oeuvre, en Syrie, ont démontré qu’aucune leçon n’était tirée du conflit précédent, qu’aucune limite n’était infranchissable, qu’aucun progrès scientifique ne servait pas aussitôt les desseins de destruction de l’ennemi, authentique ou fabriqué, qu’aucun profit n’était à mépriser, qu’aucun prix n’était trop lourd à payer. En monnaie sonnante et trébuchante comme en chair à canon.

Les commémorations de 14-18, les célébrations de son centenaire, sont sur le point de s’ouvrir. Et avec elles, les cérémonies, les discours, les initiatives visant, toujours, à rappeler « le devoir de mémoire ».

Emergeant du roman de cette guerre, on est en droit de se demander de quelle mémoire il s’agit précisément. Celle des « héros tombés au champ d’honneur » ou celle des événements qui ont d’abord mené au conflit, qui l’ont ensuite animé durant quatre ans et qui ont enfin émaillé funestement les décennies successives ?

L’éclosion, la multiplication et la radicalisation des nationalismes et des appartenances à des groupes ethniques ou des communautés religieuses de tous bords, en cet an de grâce 2014, démontrent qu’on saluera les premiers, plutôt que de se rappeler des seconds. Puisque, quoi qu’on nous dise, on n’apprend jamais du passé. Mais on s’obstine à vouloir le reproduire. D’où la nécessité de coupler au devoir de mémoire celui de précaution.

SOMMAIRE

Cinquante mois qui ont transformé la Belgique Pour le pays, 1914 marque la fin du XIXe siècle. Et 1918 le début du XXe. Entre les deux, rien que de la souffrance.

L’AVANT-GUERRE

Un jeu dangereux En Europe, les tensions latentes s’accumulent. Impéralisme et nationalismes vont tout faire exploser. Les Flamingants montrent les dents

La Flandre ne veut pas encore la peau de la Belgique. Mais elle ne la supporte déjà plus. Et le pacifisme socialiste échoua… L’Internationale ouvrière apparaît comme la principale force antimilitariste. Elle ne pourra pourtant empêcher l’inévitable. Albert Ier, étonnant roi de la com’

A la veille de la guerre, celui qui n’est pas encore le Roi Chevalier réconcilie les Belges avec leur dynastie. La neutralité belge à l’épreuve d’un ultimatum

La Belgique a échappé à toutes les guerres. Jusqu’à ce choix tragiquement crucial : laisser passer les Allemands ou leur résisté ?

LA GUERRE

La Belgique violée

De début août à fin octobre 1914, les Allemands ravagent le pays. Martyrisant population et villes belges. La bataille des frontières

Le 22 août 1914, en Gaume, Allemands et Français s’affrontent avec une férocité inouïe. La stratégie militaire belge

Les cinq choix de l’armée décodés par un spécialiste de l’histoire militaire Loncin, ce héros magnifique

Il était imprenable. Mais onze jours après l’entrée des Allemands en Belgique, il était détruit… Albert, super héros de 14-18

Il était populaire avant la guerre. Il en sort adulé. Un mythe naît. Et Dieu s’assit dans les tranchées

Face à la violence infernale, les croyances connaissent un nouvel essor. Jusque dans les tranchées. Au jour le jour

Le journal du sergent Gustave Groleau, combattant sur l’Yser. Le front des Congolais

Trente-deux Congolais ont combattu aux côtés des Belges. Evidemment oubliés après l’Armistice. Le Congo contraint d’entrer dans la danse

La colonie belge ne reste pas en dehors du conflit, qui s’étend à l’Afrique subsaharienne. Le match de foot des tranchées

Noël 1914 : Alliés et Allemands font la trêve. Et s’affrontent autour d’un ballon. Le front en images

C’est le premier conflit autant photographié. Florilège. Verdun, la mère de toutes les batailles

Trois cents jours, 700 000 morts et blessés, un paysage dévasté. En France, c’est le symbole de la Grande Guerre. Quand l’Orient fait fronts

Dès le début des hostilités, le canon résonne aussi dans les Balkans et du côté du Bosphore. Les Arméniens livrés au massacre

Dans l’Empire ottoman, mai 1915 donne le signal de départ du premier génocide du siècle. Les moteurs de la victoire

Ou la production massive de nouvelles armes technologiques, toujours plus meurtrières. Le ciel pour champ de bataille

L’utilisation de l’avion devient capitale pour observer et bombarder les troupes ennemies.Du pigeon au téléphone

Quelle que soit la technique de communication utilisée, téléphonistes et agents de liaison sont parmi les plus exposés au feu. Soudain, les gaz…

Les armes de destruction massive apparaissent. Et le recours à l’utilisation de substances toxiques surgit. L’Oncle Sam finit par intervenir En avril 1917, les Etats-Unis sortent de leur neutralité. Et viennent renforcer les armées de l’Entente.

HORS TRANCHEES

Sainte-Adresse : la nouvelle rue de la Loi

Comment le gouvernement belge s’activa depuis son refuge normand La faim s’installe

C’est une guerre dans la guerre : trouver à manger. Personne n’est épargné. Les résistants, combattants oubliés

Moins nombreux que durant la Seconde Guerre Mondiale, ils ont pourtant pesé sur le cours du conflit. Avec peu de reconnaissance après la victoire. Mercier, le premier des résistants

Le cardinal est très rapidement devenu une figure emblématique de la Belgique qui se bat. Bruxelles, bordel militaire de campagne

Sous l’occupation, le phénomène est en pleine expansion dans la capitale belge. Les soignants, héros oubliés

C’est au coeur de la Grande Guerre qu’est née la médecine moderne. Quatre ans dans un grenier

Deux poilus français sont restés retranchés dans quelques mètres carrés à Baslieux, près de la frontière belge. Durant 1 526 jours. Récit. Le tour du monde en autos-canons

La folle aventure d’un corps d’armée belge engagé sur le front russe et qui passera par la Sibérie, la Chine, le Pacifique et les Etats-Unis pour rentrer au pays. Entre guerre et révolution

En plein conflit militaire extérieur, le régime tsariste russe est renversé de l’intérieur Le conflit s’étend sous les mers

Avec le torpillage du Lusitania par un sous-marin allemand, en 1915, la guerre sous-marine est engagée La propagande s’affiche

Le conflit vu à travers les images de propagande à l’oeuvre dans les deux camps. La victoire en riant

Les caricatures prolifèrent. Le Belge occupé se moque de l’ennemi en dessinant. Une façon de résister. De la plume au fusil

Les écrivains belges n’ont rien venir. Mais ils vont tout raconter. Témoignages. Les mots pour la dire

Pacifistes ou patriotes convaincus, les écrivains plongés dans la guerre ont tout essayé pour la raconter. Extraits. L’art en guerre

Comment représenter l’impensable? Comment y survivre aussi? Pour les artistes d’alors, c’était un double défi. Et une double mission.

L’APRES-GUERRE

Loppem C’est là que l’octroi du suffrage universel est décidé. Certains crient au coup d’Etat ! Le rôle des femmes

Il se transforme fondamentalement durant le conflit et l’occupation. Leur permettant de gagner, au moins, en visibilité. Le mouvement flamand est-il né en 14-18 ? La guerre déclenche un courant flamand radical. Auquel les autorités belges restent sourdes le conflit terminé. Les douloureux lendemains

Dans le pays, dévasté, la chasse à l’incivique fait rage. A l’étranger, la Belgique est redevenue petite. « Le poids de la défaite a favorisé les totalitarismes »

Les nationalismes ont déclenché la Première Guerre. La Première Guerre les a exacerbés. Annonçant 1940-45… « L’invention de la guerre totale »

Ou la rupture de la barrière d’étanchéité entre population en arme et population civile. Une fureur sans précédent

La « der des der » ne le fut pas. Comme elle ne fut pas qu’affaire d’héroïsme. La leçon du 11 novembre

Comment les vainqueurs ont cru fonder un « nouvel ordre international ».

CE QU’IL EN RESTE

Quand le cinéma sort des rangs Yves Boisset décortique les films inspirés par la Première Guerre mondiale. A Bruxelles, les rues se souviennent

Bustes, plaques, monuments: 600 traces dans les 19 communes. Promenade. La Wallonie, cette immense nécropole

Cent ans après, la Région entretient le souvenir des victimes. « J’avais 20 ans en 14 »

L’exposition tous publics qui ouvre ses portes à Liège cet été. Visite guidée. Les coulisses d’une commémoration

En Belgique, la célébration du centenaire du conflit n’échappe pas aux polémiques communautaires. L’Union européenne en découle aussi

La Grande Guerre a favorisé l’émergence de cette UE aujourd’hui tant décriée. Vadot

Vue imprenable sur le XXe siècle (et le début du XXIe)

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