Xavier Bertrand et Marine Le Pen lors d'un débat télévisé le 9 décembre 2015. © AFP

Deuxième tour d’élections régionales en France dans un paysage politique éclaté

La France vote dimanche pour le deuxième tour d’élections régionales, une semaine après le séisme du premier tour marqué par l’omniprésence de l’extrême droite face à une gauche au pouvoir et une opposition de droite affaiblies et déboussolées.

Le Front national (FN) de Marine Le Pen, qui a recueilli le plus fort score au niveau national (28%, et jusqu’à 40% dans le Nord et le Sud), espère conquérir plusieurs des 13 régions en métropole, en tablant à la fois sur le rejet des partis traditionnels, impuissants à résoudre la crise économique, et sur les peurs provoquées par les attentats djihadistes du 13 novembre à Paris (130 morts). Ce serait une première dans son histoire, 18 mois avant la présidentielle de 2017 que la patronne du parti d’extrême droite juge aujourd’hui à sa portée.

Les sondages restent cependant incertains: Marine Le Pen, 47 ans, qui brigue la présidence de la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, pourrait être battue de justesse par le candidat de la droite (parti Les Républicains, LR) Xavier Bertrand. Ce dernier bénéficie d’un désistement en sa faveur du candidat socialiste, en déroute dans cette terre pourtant historiquement ancrée à gauche.

Marion Maréchal le Pen, 26 ans, nièce de Marine, pourrait elle aussi manquer de peu la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, là aussi en raison d’un désistement socialiste au profit du LR Christian Estrosi.

Cette politique du « front républicain », prôné par la gauche au pouvoir pour faire barrage à « l’arnaque » du FN dénoncée par le Premier ministre Manuel Valls, sera peut-être en mesure de sauver les meubles pour les formations traditionnelles dans deux régions emblématiques de l’enracinement du parti populiste. Mais le FN est aussi en position de force dans l’Est, où le candidat socialiste a refusé de se retirer malgré l’injonction de son parti, et dans la région Bourgogne-Franche-Comté.

La droite, qui s’affirme l’alternative à une gauche décrédibilisée par trois ans et demi de présidence de François Hollande, n’a pu empêcher le glissement d’une partie de ses électeurs vers le FN et apparaît comme la grande perdante du premier tour, avec seulement 27% des voix. Son chef, Nicolas Sarkozy, ancien président (2007-2012) en piste pour 2017, a rejeté toute idée de « front républicain » gauche-droite contre le FN lorsque les listes LR sont arrivées en troisième position.

Il a déclaré mercredi que le vote FN n’était « pas immoral » et réparti équitablement ses coups entre gauche et extrême droite. Résultat, ni Xavier Bertrand, ni Christian Estrosi, ni la candidate LR en région parisienne, Valérie Pécresse, n’ont souhaité sa participation à leurs meetings de campagne.

Les Républicains sont profondément divisés sur la stratégie imposée par M. Sarkozy, partisan de disputer au FN ses thèmes fétiches de la sécurité, de l’immigration et de l’identité nationale. Ce positionnement lui avait déjà valu sa défaite à la présidentielle de 2012 et légitime celui qu’il prétend combattre, selon ses détracteurs.

« Pour un grand nombre d’électeurs, le FN va devenir le parti de la droite le plus à même de gagner (la présidentielle), le plus proche de leurs positions, le plus crédible », analyse le politologue Joël Gombin, qui prédit « des lendemains fort difficiles pour les Républicains ».

Quant à la gauche, qui tenait la majorité des régions, elle résiste mieux que prévu si l’on additionne les voix de toutes les listes qui s’en réclament: socialistes (23%), écologistes et extrême gauche (11% à eux deux).

Mais cet éparpillement, fruit notamment de dissensions profondes sur la politique « social-libérale » de François Hollande et de Manuel Valls, impuissants à faire baisser le chômage, va lui coûter cher en terme de sièges. Après les défaites aux municipales de 2014 et aux départementales du printemps 2015, le PS et ses anciens alliés semblent engagés dans un déclin irrésistible.

La grande incertitude reste le comportement de la moitié des électeurs qui se sont abstenus au premier tour, indice de la désillusion d’un grand nombre de citoyens envers le jeu politique. Dans les banlieues populaires, « c’est dans les villes ayant le plus contribué à la victoire de François Hollande qu’on a eu la plus forte démobilisation », relève le chercheur en sciences politiques Antoine Jardin.

« Le seul argument de mobilisation de gauche et de droite, ça devient de battre soit l’adversaire, soit le FN. Il n’y a rien de moins mobilisateur, surtout dans le contexte de fatigue démocratique dans lequel se trouve le pays », souligne Joël Gomblin.

Tout va donc dépendre dimanche de l’ampleur de la mobilisation de ces abstentionnistes du premier tour, soit pour faire barrage à l’extrême droite, soit pour voler au secours de la victoire de ce parti qui se revendique « anti-système ».

Contenu partenaire