La sous-secrétaire américaine au Désarmement et à la Sécurité internationale, Rose E. Gottemoeller. © BELGAIMAGE

Désarmement nucléaire: la conférence de suivi du TNP trébuche sur le Proche-Orient

Une réunion des pays signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) s’est terminée vendredi sur un échec, les Etats-Unis et leurs alliés rejetant une initiative arabe sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Proche-Orient.

Après presque quatre semaines de tractations, Washington, Londres et Ottawa ont indiqué qu’ils s’opposaient à une partie du projet de document final. Celui-ci fixait au 1er mars 2016 la date limite pour convoquer une conférence sur la création de cette zone et chargeait le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, de faire progresser cette initiative lancée en 1995.

Israël, qui n’a pas signé le TNP mais assistait à la conférence en observateur pour la première fois depuis vingt ans, refuse de se voir dicter la date ou l’ordre du jour d’une telle conférence et rejette la tutelle de l’ONU. « Il n’y a pas d’accord sur ce document », a déclaré la sous-secrétaire américaine au Désarmement et à la Sécurité internationale, Rose E. Gottemoeller.

Critiquant « une date limite arbitraire », elle a affirmé que le projet présenté « était incompatible avec la politique suivie de longue date » par Washington et ne recueillait pas « l’assentiment de toutes les parties concernées », une allusion transparente à Israël. Les Etats-Unis avaient dépêché un émissaire en Israël cette semaine pour tenter de trouver un compromis.

Mme Gottemoeller a blâmé les pays arabes, en particulier l’Egypte, qui ont insisté selon elle de manière « irréaliste » pour faire avancer la création de cette zone.

Les Etats-Unis, a-t-elle affirmé, considèrent qu’il vaut mieux « pas de document final plutôt qu’un mauvais document ». Cette position ferme de Washington lui a valu des remerciements, exprimés par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’un entretien téléphonique avec le secrétaire d’Etat américain, John Kerry

L’ambassadeur britannique pour le désarmement, Matthew Roland, s’est déclaré « déçu de n’avoir pu établir un terrain d’entente sur le Proche-Orient ». Il a fait valoir que cet échec « ne nuirait en aucune manière au traité ou au respect de ses dispositions ».

Le TNP, entré en vigueur en 1970, regroupe 190 pays ou entités et une conférence de suivi se tient tous les cinq ans. En 2000 et 2005 notamment, les délégués s’étaient déjà séparés sans accord sur un texte final.

En 2010, la déclaration finale de la conférence de suivi prévoyait qu’une réunion devait se tenir à Helsinki en 2012 pour parler du projet de zone dénucléarisée au Proche-Orient. Mais elle n’a jamais pu avoir lieu, en raison notamment des réticences d’Israël.

L’Etat hébreu, crédité de quelque 200 ogives par des experts, n’a jamais reconnu officiellement disposer de la bombe.

Le chef de la délégation égyptienne, l’ambassadeur Hesham Badr, s’est déclaré « extrêmement déçu ». « Après de grandes attentes, nous sommes empêchés de renforcer le TNP par trois délégations », a-t-il déploré. Il a critiqué implicitement les Etats-Unis pour avoir « cherché à rejeter la faute sur l’Egypte ».

Le délégué iranien a accusé Londres, Washington et Ottawa d’avoir sabordé la réunion « uniquement pour sauvegarder les intérêts d’un pays non partie au traité qui a menacé la paix et la sécurité de la région en se dotant d’une capacité nucléaire ».

Pour le directeur du désarmement pour l’ONG spécialisée Arms Control Association, Kingston Reif, cet échec « va probablement accroître la frustration croissante des pays non dotés de l’arme nucléaire devant le peu d’empressement des pays dotés à désarmer ».

Depuis la conférence précédente, en mai 2010, qui avait accouché d’un programme de travail ambitieux, les efforts pour réduire progressivement les arsenaux nucléaires s’amenuisent. Le TNP subit aussi le contre coup de la crise ukrainienne, qui a détérioré les relations entre les deux principales puissances atomiques, les Etats-Unis et la Russie. Ceux-ci rassemblent à eux deux plus de 3.000 ogives nucléaires stratégiques, soit près de 90% des armes atomiques déployées dans le monde.

Parmi les pays dotés officiellement ou non de l’arme atomique, seuls l’Inde, le Pakistan et Israël n’ont pas signé le TNP. Les cinq puissances nucléaires parties au TNP sont les Etats-Unis, la Russie, la France (290 ogives déployées), le Royaume-Uni (120 environ), et la Chine (environ 250). La Corée du nord s’est retirée du TNP en 2003 et a mené depuis trois essais nucléaires.

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