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Des « escadrons de la mort » rwandais en Belgique ciblent dissidents et opposants, dont une journaliste canadienne

La Sûreté de l’Etat a fourni, au moins dans un cas, une protection rapprochée à un Occidental critique envers le régime du président rwandais Paul Kagame en visite en Belgique par crainte de menaces pour sa sécurité, ont rapporté cette semaine plusieurs médias, dont le journal ‘Het Belang Van Limburg’ et la VRT, qui a évoqué la présence en Belgique d' »escadrons de la mort » rwandais ciblant des dissidents et des opposants à l’image de pratiques présumées en Afrique.

La RTBF-radio a diffusé samedi l’interview d’une journaliste canadienne, Judi Rever, qui dit avoir bénéficié d’une telle protection lors d’une visite en Belgique l’an dernier.

Elle est notamment co-auteure, avec son collègue Geoffrey York, d’un article publié dans le quotidien canadien ‘Globe and Mail’. Elle y affirme que le gouvernement rwandais est l’instigateur de l’assassinat d’un opposant en exil, l’ex-chef des services secrets rwandais Patrick Karegeya, retrouvé mort étranglé le 1er janvier 2014 dans un hôtel de Johannesburg, et de nombreuses tentatives d’assassinat d’opposants vivant en exil.

Mme Rever accuse aussi l’actuel président Kagame d’avoir ordonné le massacre de milliers de civils hutu non armés en 1994, lorsqu’il dirigeait le Front patriotique rwandais (FPR), une rébellion tutsi arrivée au pouvoir en juillet 1994, mettant fin au génocide qui a fait quelque 800.000 morts en trois mois, selon l’ONU, principalement des Tutsi et mais aussi des Hutu modérés.

La journaliste canadienne a bénéficié, lors de son séjour en Belgique, d’une protection de la Surêté de l’Etat en raison d' »informations crédibles (indiquant) que l’ambassade rwandaise à Bruxelles constituait une menace pour ma sécurité en Belgique », a-t-elle affirmé à la RTBF. Cette protection a été effectuée par l’agent de la Sûreté de l’Etat qui assure la protection de l’écrivain britannique Salman Rushdie, l’auteur des « Versets sataniques », sous le coup d’une fatwa émise par l’ayatollah Khomeini en 1989 demandant sa mort pour « propos blasphématoires » envers l’islam.

La journaliste canadienne a admis que son travail « constitue principalement à interviewer des témoins des crimes du FPR, du régime au Rwanda ».

Selon le quotidien ‘Het Belang van Limburg’ de jeudi, Mme Rever a bénéficié de cette protection durant une période d’une semaine, une version corroborée par le journaliste de la VRT Peter Verlinden, également très critique envers le régime de M. Kagame – au point d’être déclaré persona non grata au Rwanda depuis plusieurs années.

Interrogée par l’agence Belga, la Sûreté de l’Etat s’est refusée à tout commentaire sur des dossiers individuels.

Elle a toutefois rappelé qu’il ne lui revenait pas de décider si une personne devait faire l’objet d’une protection. « L’analyse de la menace est faite par l’Ocam (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) sur base des informations récoltées auprès de différents services et administrations », a-t-elle indiqué, soulignant qu’elle n’est « qu’un maillon de la chaîne » de la sécurité publique.

Le journal ‘Het Belang van Limburg » a toutefois pu consulter l’accord signé à ce sujet par Judi Rever et les services belges, qui lui accordent « normalement deux officiers de protection ».

‘Het Belang van Limburg’ a également recueilli le témoignage d’un ancien allié de M. Kagame, l’ex-major Robert Higiro, approché par les services de renseignement rwandais pour liquider des opposants, et plus précisément le colonel Patrick Karegeya et le général Faustin Kayuma Nyamawasa, un témoignage qu’il a aussi donné à Judi Rever. Après avoir fui le Rwanda via l’Ouganda, le Kenya et le Sénégal, il a atterri en Belgique, sans sa femme et ses enfants, restés en Ouganda.

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