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Des dizaines de milliers de pro-Morsi dans la rue, heurts sanglants

Le Vif

Des dizaines de milliers de partisans des Frères musulmans, harangués par leur chef décidé à poursuivre la mobilisation, ont manifesté vendredi pour exiger le retour du président Mohamed Morsi évincé par l’armée, dans un climat de tension extrême marqué par des heurts ayant fait trois morts.

A l’issue d’une journée de manifestations des deux bords, des affrontements ont éclaté dans la soirée au Caire aux abords de la place Tahrir entre pro et anti-Morsi. Des tirs étaient entendus et les deux camps se jetaient des pierres sur le pont du 6-Octobre à proximité de la place emblématique de la capitale égyptienne, où s’étaient rassemblés des milliers d’opposants au président islamiste.

Mobilisés pour un « vendredi du refus » du « coup d’Etat militaire » et « l’Etat policier », les pro-Morsi s’étaient dirigés vers la télévision d’Etat après s’être rassemblés dans un faubourg du Caire. Auparavant, le Guide suprême des Frères musulmans, Mohammed Badie, s’était présenté devant la foule pour l’encourager à rester « dans les rues par millions jusqu’à ce que » le président déchu soit revenu au pouvoir. « Nous avons déjà vécu sous un régime militaire et nous ne l’accepterons pas une nouvelle fois », a-t-il prévenu, faisant référence à l’intérim controversé assuré par l’armée entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et l’élection de M. Morsi en juin 2012.

Pendant son discours, des hélicoptères militaires survolaient la foule à basse altitude. Les nouvelles autorités mises en place par l’armée, après l’éviction de M. Morsi mercredi, semblaient tout aussi déterminées à mettre en place rapidement de nouveaux rouages dans le pays et mener à bien leur « feuille de route » qui doit aboutir à des élections anticipées. Le président intérimaire Adly Mansour, nommé par l’armée, a dans son premier décret dissous la chambre haute dominée par les islamistes, qui assure l’intégralité du pouvoir législatif, et nommé un nouveau chef des renseignements. Mais ces décisions pourraient faire monter encore davantage la tension, déjà alimentée par les accrochages qui ont fait plus de 50 morts dans le pays depuis le 26 juin. Après une vague d’arrestations lancée contre les dirigeants des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi, le procureur général a annoncé que des poursuites seraient engagées contre neuf d’entre eux (dont M. Badie) dans le cadre d’une enquête pour incitation au meurtre » de manifestants.

Dans l’après-midi, des milliers de partisans de M. Morsi sont partis d’une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, scandant « Mohamed Morsi est notre président » et « Traîtres! « , pour se rendre devant la Garde républicaine située non loin du palais présidentiel. Ils ont ensuite essayé d’accrocher sur les barbelés entourant le bâtiment une photo de l’ex-chef d’Etat, toujours détenu par l’armée, bravant à deux reprises les avertissements des soldats, avant que des tirs n’éclatent, faisant trois morts.

L’opposition à M. Morsi a appelé pour sa part à des manifestations massives, en particulier dimanche, pour « défendre la révolution du 30 juin », allusion à la journée ayant vu les plus importantes manifestations contre le président déchu. Après la destitution de M. Morsi, l’armée a appelé à rejeter la « vengeance » et à oeuvrer en vue de « la réconciliation nationale », tandis que M. Mansour a exhorté sur la chaîne britannique Channel 4 à l' »unité ».

Embarrassé après la destitution du premier président démocratiquement élu d’Egypte, même s’il était contesté, l’Occident a encore exprimé son inquiétude, Washington demandant au pouvoir de ne pas procéder à des « arrestations arbitraires ». L’Union africaine a de son côté suspendu l’Egypte, en rejetant « toute prise illégale du pouvoir », ce que le ministère égyptien des Affaires étrangères a dit regretter « profondément ».

Elu en juin 2012, M. Morsi était accusé de tous les maux (administrations corrompues, dysfonctionnements économiques, tensions confessionnelles) par ses adversaires qui voyaient en lui un apparatchik islamiste inexpérimenté et avide de pouvoir. Il a été évincé par l’armée après des manifestations d’une ampleur inédite réclamant sa chute. Le coup de l’armée, soutenu par une grande partie de la population, par l’opposition et par de hauts responsables religieux, ouvre la voie à une nouvelle et délicate période de transition dans le plus peuplé des pays arabes.

Pour le représentant de l’opposition Mohamed ElBaradei, l’intervention de l’armée pour faire partir M. Morsi a été une « mesure douloureuse » mais nécessaire pour « éviter une guerre civile ». Parallèlement, de nouvelles violences ont éclaté vendredi dans la péninsule du Sinaï, où cinq policiers et un soldat ont été tués dans des attaques de militants islamistes.

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