Protestation contre la politique de tolérance zéro de Donald Trump. © AFP

Derrière la frontière des Etats-Unis, « les enfants pleurent » pour leur mère

Le Vif

Les enfants séparés de leurs parents après avoir franchi illégalement la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis sont retenus par les autorités américaines dans des sortes de cages, où ils « pleurent et crient en appelant leur mère ».

« On se trouvait à l’extérieur et on pouvait entendre la voix des enfants qui semblaient jouer ou rire mais lorsqu’ils ont ouvert la porte, nous avons vu vingt à trente garçons d’une dizaine d’années dans l’un de ces enclos grillagés et ils pleuraient et criaient et réclamaient leur mère qui se trouvaient à une quinzaine de mètres d’eux sans pouvoir les atteindre », raconte à l’AFP Marsha Griffin, pédiatre qui s’occupe depuis dix ans des enfants retenus à la frontière entre le Texas et l’Etat mexicain de Chihuahua.

Les mères sont enfermées dans une autre cage à quelques mètres de leur progéniture, même des bébés.

« Certaines pouvaient voir leurs enfants mais ne pouvaient les approcher, certaines ne pouvaient même pas les apercevoir », poursuit la pédiatre, qui visité plusieurs centres au Texas. « Et les enfants tendaient les mains à travers la clôture métallique, pleurant et tentant d’atteindre leur mère ».

« C’était horrible », confie-t-elle. « Des tout-petits et des bébés sont enfermés dans ces centres ».

La séparation des enfants et des parents se produisait déjà auparavant mais elle se faisait à la discrétion des agents de surveillance de la frontière. Mais avec la politique de « tolérance zéro » mise en oeuvre début mai, aucune famille de migrants clandestins n’y échappe plus.

Plus de 2.300 enfants ont été séparés de leurs parents entre le 5 mai et le 9 juin, selon les chiffres du gouvernement fédéral américain.

Les personnes entrant illégalement aux Etats-Unis par la frontière mexicaine ainsi que les demandeurs d’asile sont envoyés dans des « centres de détention » par les patrouilles aux frontières.

Là, elles sont retenues dans des enclos grillagés après avoir été séparées par âge et par sexe. Idem pour les enfants, donc des fratries peuvent être éclatées entre plusieurs « enclos » différents.

Cela peut durer jusqu’à 72 heures, le temps que le dossier parental soit réglé. A défaut, les enfants sont envoyés dans des centres du ministère de la Santé.

– Flux continu –

Ces locaux commençant à atteindre leur capacité maximale d’accueil à cause du flux continu d’enfants retirés à leurs parents, les autorités ont trouvé d’autres solutions.

Dans le désert de Chihuahua, à perte de vue ce n’est que terre brune et plate avec quelques buissons poussant épars sous un soleil de plomb. C’est là que, au milieu de rien, les autorités ont installé un camp pour les mineurs « sans accompagnant », c’est-à-dire ayant franchi la frontière sans adulte.

Sauf que, d’après plusieurs avocats ayant parlé à l’AFP, des enfants séparés de leurs parents sont fréquemment reclassés en jeunes « sans accompagnant ».

Dans ce nouveau camp, au moins dix-huit tentes blanches entourées d’une série de clôtures sont plantées. A ce stade, il abrite des jeunes de 16 et 17 ans et compte 360 lits, mais les autorités veulent en installer 4.000.

Il a été érigé la semaine dernière sur une base des garde-frontières à Tornillo, petit village proche de la cité frontalière d’El Paso. Une délégation de maires américains a prévu de s’y rendre jeudi.

L’Association américaine de pédiatrie (AAP) a mis en garde contre le « stress toxique » dont souffrent les enfants enfermés sans leurs parents, expliquant dans un communiqué que cet état « est causé par l’exposition prolongée à un stress intense, et a des effets nocifs pour la santé à court et moyen terme (…) pouvant entraîner des maladies chroniques comme la dépression, le stress post-traumatique ou des problèmes cardio-vasculaires ».

« Séparer les enfants de leurs parents est en contradiction avec toutes nos convictions de pédiatres », relève Colleen Kraft, présidente de l’association.

« Ces enfants connaissent une situation de stress toxique et de traumatisme parce qu’ils ne savent pas ce qu’il va leur arriver », renchérit Mme Griffin.

C’est la raison pour laquelle ces professionnels réclament que des spécialistes formés aux soins infantiles soient employés par ces centres, afin qu’ils réconfortent les enfants et qu’ils leur expliquent la situation.

Mais, déplore Marsha Griffin, « quand nous disons cela à ces agents, ils se mettent en colère. Ils disent que cela ne fait pas partie de leur travail, qu’ils s’occupent de faire appliquer la loi et qu’ils n’ont pas le temps de s’occuper de ça ».

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