Gérald Papy

« Depuis 30 ans, la gestion politique des banlieues françaises est un échec »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’affaire Théo, du nom de ce jeune homme qui aurait été victime d’un viol de la part de plusieurs policiers lors de son arrestation, ainsi que ses conséquences, témoignent une nouvelle fois de l’échec de la gestion des banlieues, et ce depuis plus de trente ans, tant de la part de la gauche que de la droite.

Les stratèges en communication de François Fillon se réjouissent secrètement que le problème des banlieues, depuis quelques jours, ait fait irruption dans la campagne présidentielle. Voilà qui les préserve – provisoirement – des tourments du Penelopegate. Et leur permet de renouer – exercice ô combien plus confortable – avec la critique des lacunes présumées du gouvernement socialiste. Le toujours candidat de la droite à l’élection présidentielle française devrait pourtant se garder de toute euphorie. S’il y a bien un constat que partagent les commentateurs autour de  » l’affaire Théo L.  » (violences et viol présumé d’un jeune lors de son arrestation à Aulnay-sous-Bois, près de Paris, par quatre policiers) et de ses conséquences, c’est l’implacable échec, tant de la gauche que de la droite, dans la gestion des banlieues depuis trente ans, y compris sous la présidence de Nicolas Sarkozy et de son unique Premier ministre, de 2007 à 2012.

Le tableau plus contrasté qu’il n’y paraît des banlieues françaises autorise à ne pas désespérer complètement

Thématique par excellence qu’un peu d’intelligence devrait soustraire aux clichés, le phénomène des violences dans les banlieues en est le réceptacle le plus grossier. Pour les uns, il met en présence des jeunes désoeuvrés, victimes de la crise, à des policiers écervelés qui ne savent répondre que par la violence ; pour les autres, des forces de sécurité, garantes implacables du respect de l’ordre, à des émeutiers professionnels qui n’ont de cesse de protéger leur trafic de drogues. La réalité est ailleurs.

Les banlieues ne sont pas que les mouroirs que dépeignent les intellectuels déclinistes. Elles sont aussi de formidables réservoirs de vie, de créativité et de courage. Swagger, le film documentaire d’Olivier Babinet actuellement sur les écrans belges et tourné en partie à Aulnay-sous-Bois, en fournit une belle illustration. Au même titre que l’opération de rénovation urbaine à Clichy-sous-Bois, théâtre des graves émeutes en 2005, ou que les bienfaits de l’initiation à l’improvisation théâtrale développée dans les écoles de Trappes, devenue un vivier d’humoristes sur les traces de Jamel Debbouze.

Les policiers ne sont pas que les brutes épaisses décrites par les ados en révolte. Ils sont le plus souvent victimes d’un système qui propulse dans les zones les plus sensibles des jeunes recrues inexpérimentées venues d’autres régions de l’Hexagone. Victimes aussi, depuis le renoncement à la police de proximité, de l’inadaptation des moyens à une problématique spécifique forgée autour d’un chômage très élevé, de l’économie de la drogue et de l’islamisme radical.

Etonnamment, la Belgique, qui partage tant de similitudes avec la France dans l’expansion de l’extrémisme musulman, est bien plus épargnée par les violences urbaines. Bruxelles connut pourtant, au début des années 1990, des tensions qui débouchèrent sur des émeutes. Les autorités y répondirent par une politique de contrats de quartier qui a dû produire des résultats dans un environnement, il est vrai, fort différent des ghettos urbanistiques français (autour de barres HLM), quasi inexistants en Belgique.

On l’a vu, le tableau plus contrasté qu’il n’y paraît des fameuses banlieues françaises autorise à ne pas désespérer complètement de la déflagration actuelle. Deux constats, toutefois, ont de quoi sérieusement alarmer. Dans Swagger, plusieurs jeunes témoignent de l’ignorance complète qu’ils ont de la vie des  » Français d’origine française « , comme ils les nomment, ayant toujours vécu dans un entre-soi entre  » Noirs et Arabes « . A propos de  » l’affaire Théo L. « , des experts n’hésitent pas à voir aujourd’hui dans les heurts entre policiers et émeutiers une confrontation  » de bande contre bande « . A un tel niveau d’incompréhension, d’apartheid social et de mépris, on n’est plus très éloigné des prémices d’une guerre civile. Mais quel est le candidat à la présidentielle qui s’en préoccupe réellement ?

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