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Déplacés depuis quatre ans, la vie en suspens des Rohingyas de Birmanie

Le Vif

Quatre ans après avoir trouvé refuge dans un camp pour fuir les violences des bouddhistes nationalistes, la vie de Myee Shay, membre de la communauté musulmane rohingya, est toujours en suspens en Birmanie: aucune liberté de mouvement, pas de travail et pas d’école pour ses enfants.

Comme des dizaines de milliers d’autres, cette mère de quatre enfants se retrouve de facto prisonnière du camp de déplacés, situé à quelques kilomètres de son ancienne maison, près de Sittwe.

Dans cette région de l’ouest de la Birmanie, les relations sont extrêmement tendues voire explosives entre la minorité musulmane, dont nombreux sont des membres de la communauté rohingya, et la majorité bouddhiste. Et il n’y a pour l’instant aucun espoir de retour pour les déplacés.

Dans le camp, « nous mangeons quand nous recevons notre ration de nourriture », explique cette femme de 35 ans interrogée par l’AFP, évoquant les denrées distribuées par les ONG, principalement du riz.

« Si nous ne l’obtenons pas, nous ne pouvons pas manger », ajoute-t-elle pendant qu’elle prépare quelques plantes ramassées dans la forêt attenante au camp, pour compléter cette maigre ration.

Regroupés à la périphérie de la ville de Sittwe, la capitale de l’Etat Rakhine, les camps de déplacés sont poussiéreux toute l’année puis inondés pendant la mousson.

Ils sont en grande majorité peuplés de membres de la communauté rohingya arrivés après les violences intercommunautaires de 2012 qui ont fait près de 200 morts, principalement des musulmans.

Depuis, des milliers d’entre eux ont pris le chemin de l’exode, souvent vers la Malaisie ou l’Indonésie pour fuir les persécutions et l’absence d’avenir dans un pays qui ne veut pas les reconnaître. Et nombre d’entre eux ont péri en mer pendant la traversée du golfe du Bengale.

– Epidémies –

Les Rohingyas sont montrés du doigt par les bouddhistes extrémistes qui se veulent une vigie sur ce qu’ils appellent l’islamisation de la Birmanie, pays qui compte moins de 5% de musulmans.

Un dossier complexe dans les mains aujourd’hui de l’ex-dissidente d’Aung San Suu Kyi, qui a pris les rênes du pays depuis quelques mois.

Elle vient de nommer l’ancien chef de l’ONU, Kofi Annan, pour conseiller son gouvernement sur la façon de guérir les divisions de cette partie du pays.

Ce dernier s’est rendu dans les camps de l’Etat Rakhine cette semaine, provoquant la colère de bouddhistes nationalistes qui dénoncent « l’intervention biaisée d’étrangers dans les affaires de l’Etat Rakhine ».

Ils s’opposent à toute reconnaissance officielle du million de Rohingyas vivant dans le pays, qu’ils voient comme des étrangers venus du Bangladesh, même si la plupart vivent dans le pays depuis des années et étaient auparavant intégrés à la société.

Jeudi, lors d’une conférence à Rangoun, Kofi Annan a affirmé chercher des « solutions qui puissent être bénéfiques pour tous les habitants » de l’Etat Rakhine.

Dans les camps, « les déplacements sont difficiles. Tout est très encadré. Nous ne pouvons aller nulle part », se désespère Shwe Sin, la mère de Myee Shay, rencontrée par l’AFP en marge de la visite de Kofi Annan.

Au total, la famille compte 14 personnes qui vivent dans une cabane exiguë faite de bambou, de morceaux de plastique et de chaume.

Tous survivent grâce à l’aide offerte par les quelques ONG présentes dans les camps.

« Sans la liberté de mouvement, les agriculteurs ne peuvent pas aller à leurs champs, les pêcheurs (…) en mer et les commerçants (…) au marché », rappelle Pierre Péron, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU.

La plupart des cabanes des camps devaient être temporaires et sont aujourd’hui sur le point de s’effondrer à force d’être secouées par les vents et balayées par la pluie.

Les conditions de vie précaires engendrent régulièrement des épidémies. Pour Pierre Péron, la priorité immédiate doit être de garantir « un niveau de vie minimum ».

« Si j’avais de l’argent, je ferais soigner mon enfant. Je voudrais consulter un médecin de l’hôpital. Mais je n’ai pas l’argent pour ça », se lamente Myee Shay.

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