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« De Gaulle n’a pas d’héritier »

L’ex-ministre français de l’Intérieur, Charles Pasqua, incarne un gaullisme sourcilleux – que personne, selon lui, ne défend plus, alors que Nicolas Sarkozy et François Fillon commémorent ce mardi le 40e anniversaire de la mort du général.

Nicolas Sarkozy, François Fillon et une cinquantaine de parlementaires UMP font le déplacement à Colombey-les-deux églises pour célébrer le 40e anniversaire de la mort du général de Gaulle. Qu’en pensez-vous?

Je ne suis pas tellement porté sur les commémorations. Ceux qui ont organisé celle-ci oublient que De Gaulle n’appartient ni à la droite, ni à la gauche, mais à l’Histoire et au peuple français tout entier. Que le président de la République aille à Colombey déposer une gerbe sur la tombe du général me paraît logique, qu’il se fasse accompagner par le Premier ministre, pourquoi pas, mais ça devrait s’arrêter là. Comme disait le poète, le vrai tombeau des morts, c’est le coeur des vivants.

Dans le même temps, il est frappant de constater combien, après tant d’années, l’actualité reste marquée par ce qu’a fait le général de Gaulle: remettre la France au premier rang des nations, grâce à son action pendant la guerre et à la force de dissuasion atomique, rendre à la France son indépendance et le goût de celle-ci, réaliser la décolonisation, donner à la France son indépendance énergétique grâce au nucléaire… Et puis, que l’on s’en réjouisse ou pas, restent les institutions. Si certains ont voulu les modifier, l’essentiel demeure avec l’élection du président de la République au suffrage universel. De Gaulle, c’était aussi le dédain de l’argent. Il considérait que les fruits du travail devaient être justement répartis entre le capital et les travailleurs.

Quels sont ses héritiers aujourd’hui?

Il n’en a pas. Ou plus exactement, il y en a un peu plus de soixante millions, ce sont les Français.

Personne n’incarne, selon vous, toutes les dimensions du personnage?

Non, et c’est compréhensible. De Gaulle était un personnage historique, l’Histoire l’avait propulsé au premier plan. Il n’en est jamais sorti. Il n’était pas seulement l’homme du destin pour la France, aux yeux de l’Amérique latine et du monde, il incarnait l’image de la France luttant pour la liberté et l’indépendance de tous les peuples. Personne aujourd’hui n’est en mesure d’assumer cela. D’une part parce que les conditions historiques sont différentes, de l’autre parce que De Gaulle était issu du creuset de la guerre, qui a permis à un certain nombre de gens de caractère de s’affirmer. Aujourd’hui, on est plutôt dans la facilité. Ce qui est plus grave, c’est qu’au travers de la mondialisation, on assiste à une mainmise du capitalisme sur toute l’économie mondiale.

Qu’y a-t-il de gaulliste dans la présidence Sarkozy?

Nicolas Sarkozy a un certain nombre de qualités. Il est volontaire. Au moment de la crise mondiale de 2008, il a joué un rôle décisif, celui que doit normalement jouer un président de la République. Pour le reste, il est malheureusement tributaire de décisions qui ont été prises avant lui. Le passage au quinquennat était une bêtise qui a réduit considérablement le temps présidentiel. Le président ne dispose plus que de trois ans pour gouverner, entre la première année où il s’installe et la dernière où il fait campagne. Je pense néanmoins qu’en cas de grande difficulté, il serait probablement en mesure de faire face. Il devrait surtout veiller à se débarrasser de tout phénomène de cour. Il a autour de lui beaucoup de gens qui lui disent qu’il a toujours raison, et ce n’est pas bon.

Thierry Dupont et le Vif.be

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