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Dans les coulisses de San Antonio

Le Vif

Mazette, en voilà un maous hommage qui l’aurait botté ! Un pavé à l’image de Frédéric Dard (1921-2000), tout en truculence, irrévérence, humour et tendresse. De l’originalité aussi.

De l’admiration plutôt que de la dévotion. Les bégueules qui taxent encore la saga polardeuse consacrée au commissaire San-Antonio de  » littérature de gare  » en seront pour leurs frais à la lecture de ce dictionnaire très exhaustif, qui dépiaute avec brio l’oeuvre complexe et labyrinthique d’un écrivain prolifique, traduite en 35 langues, vendue à quelque 250 millions d’exemplaires. Il ressuscite avec tact un homme jovial et généreux, mais aussi une personnalité bipolaire broyant du noir avant d’éclater de rire. Il honore le pourfendeur de la connerie humaine et l’alchimiste de néologismes croquignolets.

C’est peu dire qu’Eric Bouhier, 65 ans, médecin, publicitaire, a l’amour de Dard :  » L’éditeur des Dictionnaire amoureux, Jean-Claude Simoën, a su que j’étais un passionné de longue date, membre de l’Association des amis de San-Antonio, indique-t-il. Je n’ai pas la notoriété des autres auteurs de cette collection, mais j’ai lu tout Dard. L’exercice demandait une méthodologie à laquelle j’étais habitué grâce à mes livres Le Cabinet des curiosités médicales, Noirmoutier, l’inventaire inachevé…  » Deux ans de (re)lecture, de recherche, d’interviews, d’écriture, et 130 entrées établies en toute liberté. Ou presque.  » Jean-Claude Simoën m’en a réclamé une sur Céline, que je connaissais assez mal. Je me suis senti un peu piégé, car, pour moi, Dard ne se réduit pas à l’héritier de Rabelais et de Céline. Mais il l’admirait beaucoup, alors j’ai imaginé une histoire qui le fait passer devant son domicile, à Meudon, en mai 1953, et l’amène à penser à lui. Heureusement, ses proches ne m’en ont pas voulu de broder à partir de faits réels.  »

De A, comme  » artiche « , à Y, comme  » Yquem « , le docteur Bouhier ausculte son patient en toute complicité. Mais pourquoi pas d’entrée à Z, comme…  » zob « , par exemple ?  » Ce mot d’argot est quasi inexistant sous la plume de Dard, je lui ai donc préféré « fifrelot » pour désigner la chose…  » Le titre le plus mémorable ?  » La Rate au court-bouillon : c’est lui qui a inventé cette expression !  » Et tant d’autres, dont la devise de l’inénarrable Bérurier :  » Mieux vaut queutard que jamais.  » C’est que ses exploits de couple avec Berthe, sa légitime,  » sont à la classique partie de jambes en l’air ce que l’Everest est à un rocher de Fontainebleau « , écrit Bouhier, décidément inspiré. En témoigne aussi le choix de ses exergues, tel le très san-antonien :  » Il ne suffit pas d’avoir des actions en Bourse, encore faut-il avoir des bourses en action.  » Y aura que les rétrécis du bulbe pour se pincer le nez !

Dictionnaire amoureux de San-Antonio, par Eric Bouhier, Plon, 711 p.

D. P.

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