Avdiïvka © REUTERS

Dans l’est de l’Ukraine, ils risquent leur vie pour rallumer la lumière

Le Vif

Quatre lignes électriques, vitales pour l’usine et pour éclairer la ville, traversent la ligne de front depuis une centrale thermique située en territoire rebelle.

Les deux hommes, employés de la plus grande usine d’Avdiïvka, risquent leur vie pour trouver et réparer les lignes électriques endommagées par les combats, qui plongent régulièrement dans l’obscurité cette ville industrielle située sur la ligne de contact entre forces de Kiev et séparatistes prorusses.

« Quand je vois les lumières des bombardements en direction d’Avdiïvka, je commence à compter les secondes avant que le courant ne saute », raconte Rouslan Kolessov, 45 ans, responsable des transports au sein de la centrale à charbon de la ville, qui l’alimente en électricité.

« Je peux déterminer où les obus vont tomber avec une précision de 200 mètres uniquement en observant leur durée et leur bruit », assure-t-il.

Contrôlée par l’armée ukrainienne, Avdiïvka et l’usine où travaille Rouslan sont régulièrement victimes des combats entre les deux belligérants, leurs positions n’étant séparées que par quelques centaines de mètres.

Quatre lignes électriques, vitales pour l’usine et pour éclairer la ville, traversent la ligne de front depuis une centrale thermique située en territoire rebelle.

Cela signifie que des dizaines de kilomètres de câbles sont souvent endommagés par les combattants. C’est à ce moment que Rouslan, Oleksandre et leur équipe interviennent.

« L’usine est le coeur de la ville. Elle fournit tous les résidents d’Avdiïvka en lumière et en chauffage. S’ils interrompent l’approvisionnement en électricité de l’usine, toute la ville est sans lumière », explique Rouslan.

Interrogatoire

Avant que les équipes techniques ne puissent même atteindre les lignes électriques, Rouslan et ses collègues doivent obtenir de l’armée ukrainienne et des rebelles qu’ils arrêtent temporairement leurs tirs.

« Nous commençons seulement quand les deux camps nous assurent un ‘couloir de sécurité’. Mais si les deux camps le promettent, cela ne veut pas dire que nous ne serons pas pris sous le feu », explique-t-il.

En 2015, des membres de l’équipe furent arrêtés à l’un des point de contrôle rebelle. Pris pour des « saboteurs », on leur banda les yeux avant de les embarquer pour un interrogatoire. Après quelques heures tendues, ils furent relâchés quand les séparatistes comprirent qui ils étaient.

Récemment, l’armée ukrainienne les a fourni en casques en kevlar et gilets pare-balle mais les membres de l’équipes sont réticents à les porter, préférant leurs casques en plastique et craignant avant toute chose d’être pris pour des combattants.

« Quand on porte un gilet pare-balle kaki, c’est compliqué d’expliquer que nous ne sommes pas des saboteurs », précise Oleksandre Korovan, 37 ans.

‘Comme des fourmis’

Certains dans l’équipe expliquent qu’ils ont perdu toute sensation de danger lorsqu’ils partent en mission, alors que l’Ukraine entre dans sa quatrième année d’une guerre sanglante qui a fait plus de 10.000 morts.

Mais Oleksandre et d’autres chauffeurs continuent à tirer au sort pour décider lequel d’entre eux risquera sa vie lors de la prochaine expédition.

« On ne peut compter que sur son intuition dans notre travail », raconte Oleksandre, père de deux enfants. « Cela fait peur à chaque fois ».

Les hommes ne reçoivent pas de compensation salariale pour les risques qu’ils prennent mais assurent ne pas avoir l’intention de changer de travail.

« Notre ville et notre usine sont comme une grande fourmilière », décrit un autre conducteur, Sergueï. « Ils essaient de détruire notre fourmilière avec des bombardements mais nous, comme des fourmis, nous réparons tout, nous ramenons la lumière et ça continue à vivre ».

AFP

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