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Dans l’Est de l’Ukraine, des tranchées contre les chars de Kiev

Le Vif

Par une chaleur de plomb, une dizaine de personnes creusent la terre sèche. Quatre ans après l’éclatement du conflit dans l’Est de l’Ukraine, des séparatistes prorusses construisent une nouvelle ligne fortifiée contre les « chars ukrainiens ».

« Nous préparons des positions de réserve en cas d’une éventuelle offensive » de Kiev, explique Oleg, un chômeur de 49 ans venu participer à ces travaux entamés il y a un mois à l’appel du bataillon séparatiste Vostok.

Devant lui, plusieurs centaines de mètres de fossé profond de deux mètres et équipé de trois abris fabriqués de gros troncs d’arbres, qu’Oleg et ses camarades, partisans des séparatistes, pour la plupart des hommes robustes vêtus de tenue camouflage.

Se présentant comme « bénévoles », ils se réunissent les weekends et jours fériés près d’un cimetière en périphérie de Iassynouvata, petite ville située près de la « capitale » séparatiste de Donetsk et à seulement trois kilomètres de la ligne de front.

« Derrière cette colline-là, c’est déjà l’ennemi », pointe Andreï, un barbu de 50 ans, combattant du bataillon Vostok qui ses présente sous le nom de guerre Reva.

« A votre avis, combien de temps cela prendra-t-il aux chars ukrainiens d’arriver dans le centre de Donetsk depuis là? » renchérit Aleksandre Semionov, un « vétéran » de Vostok.

Munis de bêches, scies et marteaux, ces hommes construisent une « deuxième ligne fortifiée » pour l' »armée » de la République populaire de Donetsk (DNR), autoproclamée.

Le conflit opposant l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses dans l’est de cette ex-république soviétique a fait plus de 10.000 morts depuis son déclenchement en avril 2014.

Les hostilités s’y sont apaisées après les accords de paix de Minsk conclu en février 2015 et des cessez-le-feu successifs, mais des flambées sporadiques de violences continuent d’alourdir le bilan des victimes. Kiev et l’Occident accusent la Russie de soutenir militairement les rebelles ce que Moscou nie farouchement.

Même si les autorités ukrainiennes assurent qu’elle n’utiliseront que des méthodes politiques et diplomatiques pour restaurer un jour leur contrôle sur les zones séparatistes, les rebelles restent méfiants.

– ‘A tout moment’ –

« On entend régulièrement des discours belliqueux de la part des responsables gouvernementaux ukrainiens disant qu’il faut nous liquider et nous vaincre », soutient Andreï.

« Si tu veux la paix, prépare la guerre », cite Alexandre Semionov, pour qui « une offensive peut survenir à tout moment ». « Iassynouvata est un avant-poste, depuis ici, on peut embrasser d’un coup d’oeil tout Donetsk. Ce sont des hauteurs dominantes qu’il faut protéger », souligne-t-il.

Iassynouvata n’est guère l’unique site de ces activités. La mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE) déployée dans la zone de conflit évoque régulièrement dans ses rapports quotidiens des tranchées ou bunkers fraîchement creusés dans la zone séparatiste.

Alors que la nostalgie pour l’URSS est forte dans les territoires sous contrôle séparatiste, les rebelles comparent régulièrement le conflit actuel à la Seconde guerre mondiale, baptisée Grande guerre patriotique dans l’Union soviétique.

La victoire soviétique continue de représenter une immense source de fierté pour les Russes, mise en avant régulièrement par les autorités russes et séparatistes prorusses de l’Est de l’Ukraine pour encourager le patriotisme.

Diffusées sur les réseaux sociaux par le bataillon Vostok, les affiches appelant les habitants locaux à se joindre à la construction de cette ligne fortifiée sont ainsi accompagnées d’une photo en noir et blanc sur laquelle on peut voir des femmes creuser des tranchées pendant la Seconde guerre mondiale.

« Pour nous, c’est la même guerre », assure Aleksandre Semionov qui considère comme « néonazies » les autorités pro-occidentales à Kiev.

« Rappelons-nous la Grande guerre patriotique: des civils creusaient des fossés antichar, des tranchées… Nous sommes leurs descendants et nous aidons notre armée », soutient Oleg.

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