Diplomate européen, Bernard Philippe a consacré l'essentiel de sa carrière au Proche-Orient. © DR

« Daesh est une menace comparable à celle des grands totalitarismes »

« Par ses méfaits et ses fondements, l’Etat islamique est une menace comparable à celle des grands totalitarismes », estime le diplomate européen Bernard Philippe.

Diplomate européen, Bernard Philippe a consacré l’essentiel de sa carrière au Proche-Orient. Ces trois dernières années, il était en poste à Jérusalem comme conseiller politique au sein de la délégation de l’Union européenne.

Que vous inspirent les agissements de Daesh ?

Par ses méfaits et ses fondements, l’Etat islamique est une menace comparable à celles des trois grandes formes de totalitarisme qu’ont été l’impérialisme, le communisme et l’antisémitisme, pour reprendre l’énumération d’Hannah Arendt, dont les travaux immenses doivent nous inspirer, car ils sont d’une terrible actualité. Le totalitarisme conduit à un repli sur une idéologie dominante, à un effacement de l’individu au profit de la masse, à la justification idéologique des actions les plus violentes. Pour certains auteurs, le salafisme, par son rejet systématique de l’autre, développe une forme de fondamentalisme qui a des traits du nazisme. La diplomatie européenne doit de toute urgence en prendre la mesure. Un cancer ne se soigne pas avec une pastille pour la gorge !

Que devrait faire la diplomatie européenne ?

Pour se rénover, la diplomatie européenne doit accepter, selon l’expression de Simone Weil, de se « ré-Orienter ». Elle doit se confronter aux sources de la violence individuelle et collective et du fanatisme religieux, phénomènes qui se nourrissent mutuellement.

Quels sont les fondements idéologiques de la violence islamiste actuelle ?

La référence ultime du courant wahhabite et de l’école salafiste est Ibn Taymiyya, penseur radical des XIII-XIVe siècles. Ce théologien salafi, né en Turquie et mort à Damas en 1328, a incité, par trois fatwas, au djihad. Il appelle au respect littéral du texte coranique et refuse toute innovation dans la pratique religieuse. Ses écrits constituent la principale source d’inspiration des djihadistes, qui cherchent des justifications idéologiques à la violence de leurs actions contre les « mécréants » et autres « croisés ». Le Service européen d’action extérieure de l’Union, dont j’ai fait partie, devrait collaborer étroitement avec les institutions qui travaillent sur ces sources religieuses. Un diagnostic approfondi des racines idéologiques de la violence s’impose pour éclairer les politiques européennes à l’égard de la Syrie et de l’Irak.

Entretien : Olivier Rogeau

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