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D’Alcanar à Subirats: le macabre parcours des 12 jihadistes

Le Vif

Un chapitre de l’enquête sur les attentats qui ont ensanglanté l’Espagne jeudi et vendredi s’est clos lundi avec la mort du dernier fugitif, Younès Abouyaaqoub, abattu par la police 96 heures après la tragédie sur les Ramblas de Barcelone. « Le coeur de l’opération » policière est maintenant terminé. Retour sur ses incroyables rebondissements.

La police espagnole a tué lundi le chauffeur présumé du véhicule-bélier de Barcelone, un Marocain de 22 ans en cavale depuis les attentats de jeudi en Catalogne revendiqués par le groupe Etat islamique (EI). « Les douze objectifs principaux sont détenus ou morts », a tweeté la police catalane lundi vers 20h00 après quatre jours d’une traque qui a maintenu sur le qui-vive tous les services de police espagnols. « Peu après 17H, les Mossos d’Esquadra (la police catalane) ont abattu Younès Abouyaaqoub, le conducteur de la camionnette et auteur matériel de l’attentat qui a causé la mort de 14 personnes », a annoncé le président de la région de Catalogne, Carles Puigdemont lors d’une conférence de presse. Younès Abouyaaqoub, Marocain de 22 ans ayant grandi en Espagne et tenu pour responsable de la mort de 14 des 15 victimes des attentats, a été abattu après avoir crié « Allah est grand » dans un paysage de vignobles à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Barcelone.

Ses empreintes digitales ont confirmé son identité

Plusieurs témoignages le situaient dans cette région lundi après-midi, après la diffusion d’un avis de recherche avec photos le qualifiant d’homme dangereux.

« Ici, il y a pas mal de maisons de travailleurs saisonniers abandonnées, c’est facile de se cacher », confiait à l’AFP Arnau Gomez, 24 ans, qui habite à un kilomètre de là où l’homme a été tué.

« Je suis content et triste à la fois », réagissait lundi soir Hassan Azzidi, un Marocain de Ripoll, la ville catalane où le présumé jihadiste a grandi, comme la plupart des membres de la cellule.

« Il fallait en finir avec tout ça, parce qu’on vit comme en guerre, mais en même temps, ce garçon si jeune, quelqu’un lui avait lavé le cerveau », poursuit-il.

Mort de l’imam

Après avoir annoncé sa mort, la police a aussi confirmé celle de l’imam marocain Abdelbaki Es Satty, soupçonné d’avoir radicalisé la bande de jeunes auteurs des attaques.

Ses restes ont été identifiés dans une maison à Alcanar, à 200 km au sud-ouest de Barcelone, où ils auraient manipulé des explosifs, a expliqué le chef de la police catalane Josep Lluis Trapero. L’imam marocain, âgé d’une quarantaine d’années, qui a fait de la prison pour trafic de drogue de 2010 à 2014, a lui séjourné dans la commune de Machelen, près de Bruxelles « entre janvier et mars 2016 ». Une majorité des membres de la cellule vivait à Ripoll, petite ville au pied des Pyrénées.

De nombreux rebondissements

Les péripéties de la cellule de 12 jihadistes, conclues par la mort de huit d’entre eux et l’arrestation des quatre autres, avaient commencé mercredi par ce qui ressemblait à un banal accident: une forte explosion dans une maison d’Alcanar, dans le sud de la Catalogne.

– Avril 2017 –

La cellule jihadiste présumée s’installe dans une villa d’Alcanar, à 200 kilomètres au sud-ouest de Barcelone, selon leur voisine Martine Groby, une retraitée française de 61 ans. « Ils étaient discrets, trop discrets, les volets fermés, pas de musique, pas d’enfants, pas de femmes… » a-t-elle raconté à l’AFP.

« Mon père – un ancien policier – m’avait dit que c’étaient des terroristes, conseillé de prendre des photos et de noter les plaques d’immatriculation. Pour lui, c’était bizarre ces allers-retours toute la journée. Je n’ai pas voulu le croire… » se souvient-elle.

– Mercredi 16 août –

23H17 : une explosion dans la villa provoque la mort d’une personne et en blesse grièvement une autre.

D'Alcanar à Subirats: le macabre parcours des 12 jihadistes
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La déflagration a été si forte qu’elle a été entendue à quatre kilomètres à la ronde. On ne savait pas encore que 120 bonbonnes de butane s’y trouvaient, ainsi que de l’acétone, ingrédient de l’explosif favori des jihadistes de l’Etat islamique (EI), le TATP, utilisé pour les attentats de Londres, Paris, Bruxelles et Manchester.

Les enquêteurs ont retrouvé plus tard d’autres restes humains. Après analyse, la police a révélé lundi qu’ils appartenaient à un autre membre de la cellule, l’imam Abdelbaki Es Satty.

– Jeudi 17 août –

15H00 : l’un des futurs assaillants de Cambrils, Said Aallaa, dit à sa famille qu’il « part faire un tour avec un ami » et quitte son domicile à Ripoll, dans le nord de la Catalogne, pour parcourir 200 kilomètres jusqu’à Cambrils.

16H50 : Younès Abouyaaqoub, un Marocain de 22 ans, fauche les passants sur les Ramblas sur plus de 500 mètres au volant d’une camionnette, semant la mort sur l’artère piétonne très fréquentée de Barcelone.

Treize personnes perdent la vie et plus de 120 sont blessées.

D'Alcanar à Subirats: le macabre parcours des 12 jihadistes
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Abouyaaqoub s’enfuit à pied, s’engouffre dans le marché de la Boqueria d’une rue adjacente, sans être repéré.

18H10 : six kilomètres plus loin, Abouyaaqoub poignarde à mort un homme, Pau Pérez, pour lui voler sa voiture.

19H45 : il force un des barrages routiers placés à chaque sortie de la ville. Les policiers ouvrent le feu.

Abouyaaqoub abandonne la Ford Focus ; sur la banquette arrière gît le cadavre du propriétaire de la voiture.

Les agents croient que Pau Pérez a été tué par une de leurs balles, et ne font pas le lien avec l’attentat de Barcelone.

Il faudra attendre lundi – plus de trois jours – pour qu’il soit officiellement reconnu comme le quinzième mort des attentats.

23H00 : le chef des Mossos d’Esquadra, Josep Lluis Trapero, lie pour la première fois l’attentat des Ramblas à l’explosion d’Alcanar.

– Vendredi 18 août –

01H15 : Moussa Oukabir, 17 ans, né à Ripoll mais marocain, son voisin d’immeuble Mohamed Hychami, 24 ans, de Mrirt comme lui, et Said Aallaa, 18 ans, né à Naour au Maroc, foncent avec deux autres complices à bord d’une Audi A3 sur la promenade de Cambrils, une station balnéaire.

Ils tentent de renverser une patrouille et blessent une policière sur le bord de mer. Puis ils descendent du véhicule affublés de fausses ceintures explosives, de couteaux et de haches.

Un agent abat quatre d’entre eux. Un cinquième parvient à poignarder une femme qui succombera à ses blessures, avant d’être tué par un autre policier.

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– Lundi 21 août –

16H10 : la police lance une opération à Subirats, petit village au milieu des vignes, à 50 kilomètres à l’ouest de Barcelone.

La police a reçu deux témoignages concordants sur la présence de Younès Abouyaaqoub dans les environs.

Peu avant 17H00 : Des agents de la police locale aperçoivent un homme « accroupi dans les vignes ».

Ils sont alors « sortis de leur véhicule, se sont approchés ». La personne « a ouvert sa veste » et semblait porter une ceinture d’explosifs, a raconté Josep Lluis Trapero.

Younès Abouyaaqoub est abattu sur-le-champ.

19H30 : Josep Lluis Trapero déclare que « le coeur de l’opération » policière est terminé.

 Younès Abouyaaqoub
Younès Abouyaaqoub© Belgaimage

L’identification des victimes est terminée

C’est ce qu’a annoncé le responsable de la Justice de Catalogne, Carles Mundó.

Il s’agit de six Espagnols dont une femme avec la double nationalité argentine et un enfant, de trois Italiens, un Canadien, une Belge, deux Portugaises, un(e) Américain(e), et un Autralo-Britannique de sept ans.

En revanche, huit personnes continuaient lundi à lutter entre la vie et la mort lundi, et 12 blessés étaient dans un état grave.

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