© REUTERS/Desmond Boylan

Cuba : le renouveau promis risque de décevoir

Fidel Castro a cédé la tête du parti communiste cubain à son frère Raul. Des réformes économiques ont été annoncées. Mais, selon Christian Makarian, Cuba reste « un conservatoire à ciel ouvert du passé communiste ».

On a parfois raison de désespérer. Le VIe congrès du Parti communiste cubain – soit le premier depuis 1997 – s’est ouvert à l’occasion de la célébration du 50e anniversaire de la célèbre débâcle américaine de la baie des Cochons. En présence d’un millier de délégués, le président cubain a fait mine de vouloir procéder à « la correction des erreurs commises au cours des cinq décennies de la construction du socialisme ».

Raul Castro, qui fêtera ses 80 ans au mois de juin, a ainsi appelé à « laisser de côté le formalisme, l’immobilisme et le dogmatisme » et s’est prononcé en faveur d’une limitation de la durée des mandats politiques fondamentaux à « un maximum de deux périodes consécutives de cinq ans ». Dans la foulée, il s’est engagé au « rajeunissement systématique de toute la chaîne de responsabilité », en ajoutant, sans rire: « Bien que nous ayons toujours essayé de promouvoir les jeunes aux principaux postes de responsabilité, la vie a montré que ces sélections n’étaient pas toujours les plus adéquates. » Faut-il rappeler que Raul Castro fut, pendant près d’un demi-siècle, le ministre de la Défense de son propre frère, Fidel, qui a lui-même dépassé les 84 ans en dépit d’une santé vacillante ?

Des mesures économiques a minima

Dans cet émouvant plan de renouveau, où il n’est pas question de droits de l’homme, toujours aussi délibérément piétinés, l’économie est à l’honneur puisque l’on prévoit 300 mesures majeures gravitant autour de la suppression d’emplois dans le secteur public, le développement des initiatives privées ou l’ouverture aux capitaux étrangers.

Attention: aucune proposition ne se fera « en contradiction avec l’essence du socialisme ». A Cuba, l’essence qui manque le plus est celle des stations-service. Le régime a beau répéter sa volonté de mettre fin à la libreta, le carnet de rationnement qui permet, depuis 1962, de disposer de produits de base à prix subventionnés, rien n’indique que cette suppression sera rendue enfin possible, car trop de foyers démunis en dépendent encore. Bref, trois décennies après le grand virage chinois, et un quart de siècle après la perestroïka, le discours de Raul Castro n’arrive toujours pas à la cheville de ceux de Deng Xiaoping ou de Mikhaïl Gorbatchev. Pas même de productivisme « à la vietnamienne ». Une prouesse.

Néanmoins, « Cuba ne se compare en rien à un régime arabe »

Le dernier pays soviétique du monde (la Corée du Nord emprunte davantage au régime de Mao Zedong) nous a certes habitués à sa logorrhée débilitante, mais elle apparaît plus inconcevable que jamais. Cuba lance un défi au temps, à la géographie, à la mondialisation ; et représente un conservatoire à ciel ouvert du passé communiste, une sorte de Good Bye Lenin! en live, version tropicale. Le plus frappant reste sa capacité à maintenir un état de guerre froide avec les Etats-Unis, qui rechignent à lever l’embargo pesant sur La Havane en raison du million de Cubains anticastristes présents sur le sol américain.

Rien de tout cela ne serait explicable si le régime se résumait uniquement à ses échecs économiques. En dépit de caractéristiques antidémocratiques communes, Cuba ne se compare en rien à un régime arabe: les réussites obtenues dans les domaines de la santé et de l’éducation, le faible degré de corruption des élites, le mode de vie peu tapageur des dirigeants, le report du culte de la personnalité sur Che Guevara plutôt que sur Castro, le vieillissement de la population à rebours des explosions démographiques environnantes constituent la pension de retraite du tandem au pouvoir. Le « Castro Social Club » ne s’éteindra qu’avec ses dirigeants.

Christian Makarian, L’Express.fr

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