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Crise du secteur agricole : A quoi sert la Politique agricole commune ?

Stagiaire Le Vif

Alors que le secteur agricole est confronté à une crise majeure, où se mêlent colères des producteurs, réunions au sommet de l’appareil politique européen, aides et plans d’urgence divers, le rôle de la PAC (Politique agricole commune) reste encore méconnu. Focus sur cette politique instaurée en 1962 pour prendre des mesures de contrôle des prix et du subventionnement des agriculteurs.

Le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a accepté ce lundi un retour temporaire à une forme de régulation du marché laitier, secteur de plus en plus en crise.

Cette mesure autorisera les associations professionnelles des différents Etats à limiter volontairement la production laitière pour six mois maximum, afin de faire remonter les prix. Il est également précisé qu’il ne s’agit en aucun cas d’un retour aux quotas, supprimés depuis maintenant bientôt un an. Les 500 millions débloqués en urgence en septembre dernier n’ont pas suffi à endiguer les soucis du secteur agricole, confronté à un effondrement des prix dus à une faible demande et à l’embargo alimentaire russe.

« La régulation du marché du lait a stabilisé pendant 25 ans le secteur. A partir du moment où il a été libéralisé, avec la suppression des quotas notamment, il est inéluctablement survenu une surproduction, une offre trop importante, qui a par conséquent eu une influence sur le prix, qui s’affaisse, et donc sur les revenus des producteurs. La crise que nous connaissons actuellement était prévisible », déclare Marc Tarabella, député européen belge et membre de la Commission Agriculture du Parlement européen.

En ce qui concerne le porc, le commissaire irlandais devait aussi accepter d’augmenter l’aide au stockage privé (les éleveurs gardent les carcasses en attendant une hausse des prix de vente) ainsi qu’un relèvement du plafond des aides, passant de 15 à 30.000 euros par exploitant.

En cette période agitée, où la gronde des agriculteurs est décuplée, il est utile de revenir sur le fonctionnement et les objectifs de la Politique agricole commune (PAC).

Une nécessité à l’époque

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe devait se reconstruire et éviter absolument une dépendance alimentaire vis-à-vis des pays extérieurs. Les pays fondateurs souhaitaient créer une politique agricole commune permettant d’augmenter la productivité du secteur. Les objectifs étaient d’assurer un revenu correct aux agriculteurs, de stabiliser les prix pour rendre le marché accessible aux consommateurs, mais aussi de garantir la sécurité de l’approvisionnement des produits. Prévue par le Traité de Rome en 1957, elle entre en vigueur 5 ans plus tard, en janvier 1962.

« Aujourd’hui, force est de constater que nous avons atteint plusieurs objectifs. Nous avons accès à de la nourriture en quantité et en qualité suffisante, pour un prix abordable. Par contre, l’aide aux producteurs n’est plus garantie par l’aide agricole telle qu’on la donne aujourd’hui », continue Marc Tarabella.

Pour parvenir à ses fins, l’Union européenne, toujours appelée à l’époque CEE (Communauté économique européenne), fait tomber les barrières douanières entre les Etats et harmonise les règles sanitaires et techniques, tout en ayant recours à la solidarité financière de ses membres, sans distinction de la contribution de ceux-ci. Enfin, l’Europe insiste sur la préférence communautaire et privilégie donc les denrées alimentaires produites en Europe.

Actuellement, les actions principales de la PAC concernent le soutien des prix agricoles et le subventionnement de la production, conscrits dans le « premier pilier », soit 80% du budget. Les 20% restants sont conscrits dans le « deuxième pilier », qui soutient l’aide au développement rural.

La Belgique reçoit plus que ce qu’elle donne

Selon le principe de solidarité européen, chaque membre doit contribuer au budget européen, qui s’élève en moyenne à 0,7% du Produit national brut (PNB). Plus un pays est riche, plus il contribue au budget. Par exemple, la France participe à hauteur de 22 milliards d’euros. Elle en reçoit environ 14, ce qui fait d’elle un « contributeur net ». La Belgique, par contre, participe à l’effort collectif à hauteur de 5 milliards et en reçoit un peu moins de 7, faisant d’elle un « bénéficiaire net ».

Un budget sans cesse en diminution

Le budget de l’Union est repris dans un cadre financier qui s’étend sur 7 années (actuellement, nous sommes dans celui de 2014-2020) et pèse 960 milliards d’euros, soit à peine 1% du total du PIB de tous les Etats membres. La part du budget européen allouée à l’agriculture a toujours été la plus importante de toutes, mais connaît à chaque nouveau budget pluriannuel une diminution de son financement. La somme totale passe de 420 milliards (sur 975) en 2007-2013 à 373,2 milliards pour le budget actuel. L’enveloppe budgétaire consacrée à l’agriculture est donc de 38% du budget total de l’Union, contre 43% en 2007-2013, 60% dans les années 1980 et 70% dans les 1970.

« Même s’il est en diminution, le budget européen pour l’agriculture reste quand même d’environ 55 milliards d’euros par an, soit 100 euros par an par habitant. Ce n’est pas une catastrophe si le budget se réduit, mais il ne faudrait pas qu’il diminue davantage, car l’agriculture est une activité stratégique qu’il faut protéger. Le fait que la part relative consacrée au secteur soit en baisse n’est pas dramatique. Ce qu’il faudrait, c’est qu’il soit mieux réparti. Il faut adapter le financement aux réalités que vivent quotidiennement les producteurs. La PAC n’est plus adaptée à la réalité du monde économique agricole. Quand le secteur est en crise, il n’y a pas d’aides publiques qui viennent combler les difficultés financières des producteurs. L’aide européenne n’est qu’un chèque, bon an mal an. Pour certains exploitants, l’aide européenne représente 100% de leur revenu, vu qu’ils vendent à perte », explique le député socialiste européen.

Maxime Defays

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