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Crise du nuage: l’Europe en fait-elle trop?

Aéroports bloqués, voyageurs en galère… A-t-on raison d’appliquer jusqu’au bout le principe de précaution?

L’Europe en a-t-elle trop fait en fermant son ciel au passage du nuage de cendres islandais? Des voix s’élèvent pour mettre en cause un excès de zèle des autorités au nom du « principe de précaution », comme lors de la pandémie de la grippe A/H1N1. Le lobby des compagnies aériennes, dont les pertes pourraient dépasser le milliard d’euros, est en pointe pour juger la réaction excessive. Il met en doute les arguments scientifiques sur le danger des particules ayant servi à bloquer les avions à terre et avec eux des centaines de milliers de passagers.

« Les Européens utilisent encore un système basé sur un modèle théorique, au lieu de prendre une décision basée sur des faits et une étude du risque », a estimé lundi le responsable de l’Association internationale du transport aérien. « La décision de fermer les espaces aériens doit être basée sur des faits et soutenue par une étude du risque », a-t-il ajouté. Deux compagnies allemandes ont instillé le doute au cours du week-end. Elles ont effectué des vols intérieurs sans passager et affirmé que les appareils ne présentaient « aucun dommage » à l’arrivée.

« Une décision plus motivée par la crainte que par la science »

Du coup, la principale association des compagnies aériennes européennes et celle des gestionnaires d’aéroports ont tapé du poing sur la table. « Si les compagnies aériennes et les aéroports européens considèrent la sécurité comme une priorité absolue, ils s’interrogent sur la proportionnalité des restrictions de vol imposées actuellement », ont-elles prévenu.

Le président de la Fondation Schuman, un centre de recherche sur les questions européennes, parle d’une « décision plus motivée par la crainte que par la science ». « Le vrai coupable serait-il ce fameux principe de précaution, ce symbole de la peur qui terrifie les décideurs et transfère toute la responsabilité sur une puissance publique qui n’en peut rien? », s’interroge-t-il.

Mais l’assertion peut aussi être inversée: remettre les avions en circulation pourrait s’avérer être une décision plus motivée par l’argent (des compagnies aériennes) que par la sécurité. A ce titre, il faut aussi s’interroger sur le rôle de ces compagnies qui tendraient naturellement à considérer avant tout les millions d’euros de perte dans leur comptabilité.

Un manque de coordination

Les interrogations sur le bien fondé de la fermeture d’espaces aériens, d’une ampleur sans précédent depuis les attentats du 11 septembre 2001, sont aussi nourries par le manque de coordination manifeste dans la réponse des pays européens, qui gardent leur souveraineté nationale en la matière. « Je ne pense pas que nous prenions trop de précaution: nous appliquons une méthode réglementaire mais avant tout sécuritaire », défendait ce lundi le patron de la Direction française générale de l’aviation civile, dans le quotidien français Le Figaro.

L’utilisation croissante du principe de précaution, qui pousse les pouvoirs publics à prendre des mesures d’interdiction en cas de doute pour se couvrir, notamment en matière de santé ou d’environnement, suscite un débat controversé en Europe depuis déjà plusieurs années. Les gouvernements européens ont ainsi été accusés d’en avoir trop fait face à la pandémie de grippe H1N1 en lançant des programmes de vaccination de grande ampleur, qui se sont révélés après coup souvent inutiles, le virus étant moins contagieux que redouté.

LExpress.fr

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