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Crise du Golfe : prise de contact, mais la méfiance persiste

Le Vif

L’Arabie saoudite et le Qatar ont eu un premier contact direct depuis le début de la crise du Golfe il y a trois mois, mais Ryad a aussitôt suspendu samedi les échanges, disant douter de la volonté de Doha de régler la dispute.

Ce développement a coïncidé avec une implication plus nette du président américain Donald Trump dans la recherche d’une solution à la crise inédite qui déchire ses alliés arabes.

Le 5 juin, l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies arabes du Golfe et poids lourd régional, ainsi que les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont rompu tout lien avec le Qatar, en l’accusant de soutenir des groupes radicaux et en lui reprochant son rapprochement avec l’Iran chiite.

Ils ont aussi imposé au riche petit émirat gazier des sanctions sans précédent, dont un blocage des voies d’accès maritimes, aériennes et terrestres. Le Qatar a nié soutenir des groupes extrémistes et accusé ces détracteurs d’empiéter sur sa souveraineté.

Après avoir annoncé jeudi être prêt à jouer le médiateur, M. Trump a appelé vendredi soir tour à tour au téléphone le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salmane, celui d’Abou Dhabi et l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani.

Selon les médias du Golfe, il a insisté auprès d’eux sur l' »unité des partenaires arabes, nécessaire pour assurer la stabilité de la région et faire face à la menace de l’Iran », rival du royaume saoudien sunnite et ennemi des Etats-Unis.

Samedi avant l’aube, l’agence officielle saoudienne SPA a indiqué que l’émir du Qatar avait appelé au téléphone le prince héritier saoudien pour exprimer son « désir de s’asseoir à la table du dialogue » et résoudre la crise.

Le prince Mohamed a, selon SPA, « bien accueilli le désir de l’émir du Qatar », précisant que « l’annonce des modalités de ce dialogue sera faite » plus tard, ravivant les espoirs d’un début de sortie de crise.

Mais retournement de situation juste après. Un porte-parole officiel saoudien annonce la décision de Ryad de « suspendre tout dialogue et tout contact avec le Qatar », disant attendre que ce dernier clarifie ses positions.

Crise de confiance

Ce porte-parole a protesté contre la manière dont Doha aurait rendu compte de l’appel téléphonique, l’accusant d’avoir « déformé le contenu de la conversation ».

L’agence QNA du Qatar a indiqué que l’appel avait été passé à la demande de M. Trump alors que Ryad affirme qu’il avait eu lieu à l’initiative de l’émir du Qatar.

La QNA ne confirme pas non plus le désir de dialogue de l’émir en écrivant vaguement que « les deux parties sont tombées d’accord sur la nécessité de régler la crise, en s’asseyant à la table des négociations, pour préserver l’unité du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ».

Le CCG réunit l’Arabie saoudite, les Emirats, Bahreïn, le Qatar, Koweït et Oman.

L’agence QNA indique aussi que l’émir du Qatar avait accepté une proposition du prince saoudien de charger deux personnalités de chaque pays d' »examiner les points en litige, sans atteinte à la souveraineté des Etats ». Or, Ryad a affirmé que les modalités du dialogue restent à déterminer.

« Ceci prouve que les autorités du Qatar ne sont pas sérieuses dans leur désir de dialogue », a dit le porte-parole saoudien, avant d’indiquer que son pays « suspend tout dialogue et tout contact avec le Qatar jusqu’à ce qu’il clarifie sa position ».

Selon lui, « l’inconsistance de la politique du Qatar n’aide pas à renforcer la confiance nécessaire » au règlement de la crise.

– ‘Percée potentielle’ –

Les pays hostiles au Qatar exigent, avant tout dialogue, la satisfaction par Doha de 13 demandes, dont la fermeture de la télévision Al-Jazeera accusée d’incitation contre les régimes de ces pays, la fermeture d’une base turque au Qatar et la réduction des relations avec l’Iran.

Le Qatar, qui voit dans ces demandes une atteinte à sa souveraineté, pose lui comme condition au dialogue la levée des sanctions.

En dépit de la persistance de la crise de confiance entre Ryad et Doha, la prise de contact est en elle-même « significative », estime l’analyste Kristian Ulrichsen, du Rice University’s Baker Institute for Public Policy.

« Je suis persuadé que cette percée potentielle est liée à la rencontre de l’émir de Koweït (cheikh Sabah al-Ahmad Al-Sabah) avec le président Trump et à l’accord apparent sur le fait que la crise a duré suffisamment longtemps et qu’il faut la résoudre », a-t-il ajouté.

Cheikh Sabah, médiateur dans la crise, a été reçu jeudi à la Maison Blanche.

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