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Crash en Egypte: la thèse de l’attentat à la bombe « fortement privilégiée »

Le Vif

Les Egyptiens devaient communiquer samedi une semaine après le crash d’un avion russe dans le Sinaï alors que l’analyse des boîtes noires de l’appareil permet de « privilégier fortement » l’hypothèse d’un attentat à la bombe, selon des sources proches du dossier.

De son côté, la Russie a suspendu vendredi ses vols vers l’Egypte, et Washington a demandé à « certains » aéroports du Moyen-Orient de renforcer leurs mesures de sécurité pour les vols en direction des Etats-Unis par mesure de « précaution ».

Le Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient déjà ouvertement évoqué la piste d’une bombe à bord de l’appareil, parti de Charm el-Cheikh en direction de Saint-Pétersbourg.

Le responsable égyptien de l’enquête ainsi que le ministre de l’Aviation civile doivent tenir une conférence de presse très attendue samedi à 15H00 GMT au Caire, mais le service de presse a fait savoir tard vendredi soir qu’il était « possible » que ce rendez-vous soit finalement reporté « jusqu’à nouvel ordre ».

Une semaine après le crash qui a coûté la vie aux 224 personnes à bord, la thèse d’une bombe ayant explosé dans l’Airbus de la compagnie russe Metrojet 23 minutes après son décollage semble désormais s’imposer.

Une source proche du dossier a indiqué à l’AFP que l’analyse des deux boîtes noires de l’avion, croisée avec des relevés sur les lieux du crash et l’expérience des enquêteurs, permettait de « privilégier fortement » l’hypothèse d’un attentat à la bombe.

En effet, le décryptage de l’enregistreur des données de vol (Flight Data Recorder) et de l’enregistreur des voix dans le cockpit (Cockpit Voice Recorder) indique que « tout était normal » jusqu’à la 24e minute de vol quand ces deux boîtes noires ont brutalement cessé de fonctionner, comportement symptomatique d’une « très soudaine dépressurisation explosive », selon cette source qui a requis l’anonymat.

« L’hypothèse d’une explosion avec pour origine une défaillance technique, un incendie ou autre, apparaît hautement improbable », a-t-elle ajouté.

Le groupe Etat islamique (EI), dont la branche égyptienne est active dans le Sinaï, a affirmé être responsable de ce crash mais sans expliquer comment.

Engin pyrotechnique

Une autre source proche du dossier a expliqué à l’AFP que l’analyse d’une boîte noire confirmait le caractère « brutal » et « soudain » de l’événement ayant précipité la chute de l’appareil, précisant que des photos montrant certains débris criblés d’impacts allant de l’intérieur vers l’extérieur « accréditent plutôt la thèse d’un engin pyrotechnique ».

La Russie est d’abord restée prudente face à cette thèse après ce qui constitue la pire catastrophe aérienne l’ayant frappée, mais le président Vladimir Poutine, sur recommandation des services secrets, a ordonné vendredi la suspension des vols civils russes vers l’Egypte.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a toutefois appelé son homologue russe et, selon la présidence égyptienne, les deux chefs d’Etat ont convenu de renforcer la coordination bilatérale en matière de sécurité aérienne afin de permettre la reprise des vols russes vers l’Egypte aussi vite que possible.

M. Poutine a également demandé vendredi au gouvernement d' »assurer le rapatriement des citoyens russes ». Selon le vice-Premier ministre Arkady Dvorkovich, en charge de ce dossier, il y aurait actuellement entre 45.000 et 70.000 Russes en Egypte. La Russie n’évacue pas ses ressortissants mais mène un « rapatriement planifié » de ceux qui le souhaitent, a-t-il assuré. Ces derniers ne pourront partir qu’avec leur « bagage à mains le plus nécessaire ».

A ces fins, la compagnie nationale Aeroflot a envoyé à vide son vol du vendredi soir à destination du Caire, selon un responsable cité par l’agence Interfax.

Avec des briquets

Le rapatriement a déjà commencé pour les quelque 20.000 citoyens britanniques présents à Charm el-Cheikh, station balnéaire du sud de la péninsule du Sinaï.

Deux avions envoyés du Royaume-Uni par la compagnie EasyJet pour rapatrier des touristes ont atterri vendredi après-midi à Londres, et quelque 1.400 d’entre eux avaient rejoint leur pays vendredi.

Certains de ces passagers, accueillis par des proches et une foule de médias, ont critiqué la sécurité à l’aéroport de Charm el-Cheikh. « Il nous a fallu trois heures et demi pour passer les contrôles de sécurité ce (vendredi) matin mais je ne trouve pas qu’ils aient été particulièrement rigoureux. Les gens passaient avec des briquets », a affirmé Naomi Samson.

Au total, huit avions devaient décoller vendredi de la station balnéaire de la mer Rouge à destination du Royaume-Uni, d’après les autorités égyptiennes.

Dans l’aéroport égyptien, c’est la confusion et la colère qui dominaient chez les nombreux touristes britanniques bloqués, déplorant notamment le manque de communication de leurs autorités.

A Washington, le ministre américain de la Sécurité intérieure a annoncé que « certains » aéroports du Moyen-Orient avaient été priés de renforcer leurs mesures de sécurité pour les vols en direction des Etats-Unis, par « précaution ». Il s’agit notamment « d’élargir les contrôles sur les objets » embarqués dans les avions, a dit Jeh Johnson.

Après les premières déclarations jugeant probable la thèse de l’attentat, plusieurs compagnies étrangères dont les britanniques avaient suspendu leurs vols vers et en provenance de Charm el-Cheikh alors que la France, la Belgique et le Danemark ont déconseillé à leurs ressortissants de s’y rendre.

Des mesures pour éviter un missile en août dernier

Un avion de la compagnie britannique Thomson Airways à destination de la station balnéaire égyptienne Charm el-Cheikh a été contraint de « prendre des mesures d’évitement », en août dernier, après que le pilote eut repéré un missile à quelque 300 mètres de distance, à proximité de l’aéroport, a confirmé le gouvernement britannique, cité samedi par The Guardian. L’avion, en provenance de Londres et transportait 189 passagers à destination de Charm el-Cheik, le 23 août dernier. Le vol TOM 476 avait pu atterrir sans encombres et les passagers n’ont pas été avertis de l’incident.

Le Département des Transports britannique (Department for Transport ou DfT) a confirmé l’information, mais ne croit pas que l’avion britannique constituait une cible. « Une enquête a démontré qu’il ne s’agissait pas d’une attaque ciblée », a confirmé un porte-parole du gouvernement, qui attribue l’incident à des manoeuvres militaires égyptiennes.

Ce drame risque de porter un nouveau coup dur au tourisme en Egypte, un pays déjà affecté par des années d’instabilité depuis la chute de Hosni Moubarak à l’issue d’une révolte populaire en 2011.

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