Mariano Rajoy aux urnes, le 20 décembre 2015 © Belga Image

Courte victoire de la droite, l’Espagne difficile à gouverner

Le Vif

Les Espagnols ont infligé dimanche un sévère avertissement aux formations traditionnelles, le Parti populaire (droite) arrivant en tête des élections législatives mais perdant sa majorité absolue et les socialistes deuxièmes, talonnés par Podemos, laissant un Parlement morcelé et un pays difficile à gouverner.

Les conservateurs du Parti populaire (PP), au pouvoir depuis 2011, ont remporté 121 sièges sur 350 au Parlement, soit 65 sièges de moins qu’en 2011 et loin de la majorité absolue qui leur permettrait d’être investis sans soucis.

Même avec le soutien des 40 députés de la nouvelle formation libérale Ciudadanos, qui a annoncé à maintes reprises qu’elle refuserait l’investiture au chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, ils auraient des difficultés à former un gouvernement.

Le Parti socialiste (PSOE) arrive deuxième, avec 91 sièges, le pire résultat de son histoire. Son hégémonie est menacée par l’autre nouvelle formation: Podemos, de gauche radicale. Le parti de Pablo Iglesias, né en janvier 2014, émerge comme troisième force politique, et obtient avec ses alliés plus de 20% des voix et 69 sièges. Il avait même été donné en deuxième position par un sondage réalisé à la sortie des urnes.

« Le Parti Populaire a gagné ces élections, le Parti Populaire a recueilli le plus de voix », a déclaré la vice-présidente du gouvernement, Soraya Sáenz de Santamaría, en annonçant les résultats presque définitifs après le dépouillement de plus de 90% des bulletins.

« C’est une victoire du PP, mais il pourrait se produire quelque chose d’insolite en Espagne, que le vainqueur finisse par ne pas gouverner », a expliqué à l’AFP le professeur de sciences politiques Jordi Matas, de l’université de Barcelone.

« Une nouvelle Espagne est née qui met fin au système de l’alternance » entre le PP et le PSOE, a lancé Pablo Iglesias, en exigeant une réforme constitutionnelle pour garantir les droits au logement, à la santé et à l’éducation.

Après plus de 30 ans de bipartisme, depuis 1982, Podemos, formation issue du mouvement des « Indignés », a pris des voix aux socialistes tandis que Ciudadanos a semblé en prendre à la droite classique, mais sans doute aussi au PSOE.

Podemos et Ciudadanos ont émergé à la faveur d’une crise sans précédent, qui a secoué non seulement l’économie mais aussi les institutions, ternies par la corruption touchant l’ensemble de l’establishment: partis traditionnels, grandes entreprises, syndicats, et même une fille de l’ancien roi Juan Carlos.

La droite savait que la bataille serait dure à gagner auprès d’une opinion publique traumatisée par la cure d’austérité, assortie d’une réforme limitant les droits des salariés et par le chômage qui touche encore un actif sur cinq.

Les électeurs l’avaient fait savoir lors des régionales et municipales du 24 mai, portant au pouvoir des plateformes citoyennes intégrées par Podemos, en particulier à Madrid, Barcelone et Cadix. La gauche dirige depuis ces élections huit des 17 régions d’Espagne.

Mariano Rajoy a tenté de se débarrasser de son image distante et visité 19 provinces, encaissant même sans perdre son calme un coup de poing d’un jeune de 17 ans. L’homme a fait campagne sur son « sérieux » et la reprise, cherchant les voix des 10,9 millions d’électeurs âgés de plus de 60 ans sur les 34,6 millions résidant en Espagne.

La stratégie n’a pas suffi à bloquer l’ascension de Podemos et de Ciudadanos, dirigé par Albert Rivera, un avocat catalan de 36 ans, populaire chez les jeunes cadres.

Podemos a promis des mesures d’urgence pour les laissés-pour-compte et aussi un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, comme en Ecosse ou au Québec.Podemos est arrivé en tête dans cette riche région du nord-est de l’Espagne, qui réclame en vain ce référendum depuis des années.

Podemos et Ciudadanos exigent une « régénération démocratique » pour en finir avec la corruption.

Ce scrutin clôture une année de bouleversements électoraux en Europe du Sud, avec la victoire de la gauche radicale d’Alexis Tsipras en Grèce en janvier, et au Portugal l’arrivée au pouvoir en octobre d’une coalition de partis de gauche, la grande crainte de Mariano Rajoy.

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