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Coup de théâtre en France: l’affaire Grégory relancée 32 ans après les faits

Trente-deux ans après les faits, l’affaire du petit Grégory Villemin, une énigme criminelle doublée d’un naufrage judiciaire qui a bouleversé la France, a rebondi mercredi avec l’interpellation de trois membres de la famille du petit garçon.

Le cadavre du petit Grégory avait été retrouvé au soir du 16 octobre 1984, pieds et poings liés dans les eaux froides de la Vologne, dans les Vosges. Cette découverte a marqué le début d’une affaire sans coupable ni mobile, qui a tenu en haleine la France, fait l’objet de 3.000 articles de presse, une cinquantaine de travaux universitaires, un téléfilm et une quinzaine d’ouvrages – récits, romans ou souvenirs de protagonistes. Mercredi matin, coup de théâtre: Marcel Jacob, l’oncle de Jean-Marie Villemin (le père de l’enfant) et sa femme Jacqueline ont été interpellés dans le village d’Aumontzey, dans les Vosges, selon une source proche du dossier. Une belle-soeur du père, Ginette Villemin, a quant à elle été arrêtée à Arches, à moins de 30 kilomètres de là, selon la même source.

Tous les trois ont été placés en garde à vue. Les grands-parents du petit garçon, Monique – dont l’état de santé ne permettait pas une garde à vue – et Albert Villemin, ont pour leur part été entendus en audition libre. Ces interpellations, « qui visent des personnes très proches du coeur de l’affaire, ont pour but d’éclaircir certains points et d’apporter des réponses à des questions posées, parfois de longue date, par des zones d’ombre de la procédure », a relevé dans un communiqué Jean-Jacques Bosc, le procureur général de la cour d’appel de Dijon, en charge du dossier. Les interpellations ont eu lieu pour « complicité d’assassinat, non-dénonciation de crime, non-assistance à personne en danger et abstention volontaire d’empêcher un crime », selon le quotidien l’Est Républicain.

Au cours des nombreuses investigations, les enquêteurs s’étaient notamment penchés sur un mystérieux « corbeau » qui avait revendiqué le meurtre en invoquant une « vengeance », en particulier dans une lettre anonyme postée apparemment avant la découverte du corps. Des expertises graphologiques avaient notamment désigné comme possible corbeau Marcel Jacob, qui s’en était pris verbalement à Jean-Marie Villemin peu avant le crime. De plus, son emploi du temps lors du crime était considéré comme incertain, mais l’homme n’a jamais été inquiété judiciairement.

Des investigations bâclées

Les premières investigations sur l’affaire avaient été bâclées: les gendarmes ont oublié de relever les traces de pneus près de la rivière, les prélèvements sur le terrain ont été mal collectés, l’autopsie de l’enfant a été incomplète. La leçon a été tirée de ce fiasco: une véritable police technique et scientifique a depuis été mise sur pied. Bernard Laroche, un cousin de Jean-Marie Villemin et neveu de Marcel Jacob, avait d’abord été soupçonné: inculpé d’assassinat, un temps incarcéré, il avait été remis en liberté le 4 février 1985. Convaincu de sa culpabilité, Jean-Marie Villemin devait l’abattre d’un coup de fusil de chasse. M. Villemin sera condamné pour ce meurtre à 4 ans de prison en 1993. En juillet 1985, le juge Jean-Michel Lambert avait opéré un spectaculaire revirement: il avait porté ses soupçons sur la mère du garçonnet, Christine Villemin, qui sera totalement innocentée en 1993 au terme d’un non-lieu retentissant pour « absence totale de charges », formule inédite aux accents d’excuse et d’aveu d’erreur judiciaire. L’affaire a été rouverte en 1999, puis en 2008, pour tenter de confondre d’hypothétiques traces d’ADN sur les scellés.

Certains mélanges génétiques ont pu être isolés, et étaient en cours de comparaison avec les prélèvements sur des personnes figurant dans le dossier. « Devant l’absence de concordance de traces ADN, dont le procureur général de Dijon a fait le constat public à plusieurs reprises et pour la dernière fois en 2014, d’autres axes d’enquête ont été explorés », a précisé le procureur général de Dijon. « Outre les 400 personnes prélevées, une centaine de témoins ont été interrogés, certains pour la première fois. Près de 2.000 courriers anonymes, reçus par les protagonistes de l’affaire mais aussi par les magistrats, ont été analysés en détail », a-t-il assuré.

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